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Anthologie permanente : Jean-Paul Hameury

Par Florence Trocmé

Michel Dugué a accepté de compléter son important article sur l’œuvre de Jean-Paul Hameury par une sélection de quelques-uns de ses textes pour "l’anthologie permanente" de Poezibao.  
 
 
Tu voulais déposer enfin 
ce paquet de hardes 
cette puanteur. 
Tu avais hâte d’en finir. 
 
Désormais, tu n’attends plus 
ne veux plus. 
Que le porche s’ouvre  
ou demeure fermé 
n’est plus souci. 
 
Tu veilles dans le rien 
comme flamme dans les ténèbres 
  brûlant seul. 
(Brûlant seul) 
 
|•| 
 
Nous ne sommes venus 
que pour dire cela : 
nous allons partir. 
 
Il ne restera rien nulle part 
de nos errances 
et rien de nos murmures. 
 
Le temps n’a qu’un souci : 
chaque jour réparer  
les laisses déchirées 
par ceux qui voulaient demeurer 
(Le Chemin du fleuve) 
 
|•| 
 
Le siècle 
 
Les eaux ont déserté la mer d’Aral. 
Comme les beaux navires d’autrefois 
nous voici nous aussi échoués 
dans le siècle ensablé. 
 
Prenant refuge dans la langue 
maternelle, espérant y être à l’abri 
de tout, nous nommons 
la perte et l’absence. 
 
Et il arrive parfois 
que l’échine des loups 
sur les parois de la caverne 
paraisse moins terrible. 
(Exils
 
|•| 
 
Tant qu’il me sera accordé 
de donner nom et forme 
à ton absence, tu resteras  
sur le seuil où se croisent 
ceux qui entrent 
et ceux qui s’en vont. 
 
Mais quand seront décolorés 
et sans force les mots, 
tu t’en iras sans te retourner. 
 
Dans la maison, alors, 
je fermerai fenêtres et portes 
et tenterai d’oublier 
le dehors trop vaste. 
(Requiem
 
|•| 
 
Que le domaine soit fermé 
sur trois côtés seulement. 
Que la clôture laisse pénétrer 
l’effroi l’absence la mort. 
 
Que l’obscur  
comme toute chose d’ici-bas 
trouve place parmi nous 
et séjourne dans la lumière. 
(L’obscur
 
|•| 
 
Ne sait plus. 
Ne sait plus être ni faire 
ne sait plus que piétiner le sol 
sans germer ni croître. 
Ne peut plus que s’enliser dans l’ornière 
sans distinguer l’en deçà de l’au-delà 
sans voir ni terre ni mers. 
N’est plus que pièce  
parmi d’autres jetée 
sur l’enclume du temps 
et martelée 
et martelée. 
(Voix dans la nuit
 
|•| 
 
N’ayant rien à gagner 
et rien à perdre 
je n’appartiens à rien 
ni à personne. 
 
Mes craintes mes douleurs 
ma détresse sont miennes. 
Ma mort sera mienne. 
Et mon cadavre sera enfoui 
sans nom sans oraison 
dans la fosse commune. 
(Derniers rivages
 
|•| 
 
Les vents du soir ont emporté 
les feuilles noircies du grimoire 
où – réduit désormais à rien – 
j’avais noté mes faux pas 
mes manques et mes égarements. 
Une fois le seuil franchi 
évanouie toute mémoire ! 
 
La mer s’éloigne mais dans le sable nu 
ma main trace encore quelques signes : 
derniers messages jetés aux vivants 
pour dire à ces regards 
peuplés d’insolentes questions 
que le temps – peut-être – 
m’aura manqué pour tenter 
de redonner aux mots 
l’évidente clarté 
qui leur fait défaut. 
(Errances
 
 
Jean-Paul Hameury, extraits de ses différents livres, choisis par Michel Dugué (voir cet article
 
bio-bibliographie de Jean-Paul Hameury 
 
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