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Hommage à Andrée Chedid (par Bernard Mazo)

Par Florence Trocmé

Andree Chedid : 
La voix d’une grande dame de la poésie 
vient de s’éteindre 
par Bernard Mazo
 

Andrée Chedid nous a quittés ce  dimanche dernier, 6 février 2011. Elle avait quatre-vingt onze ans. Avec elle, c’est la voix inspirée et mondialement reconnue d’une très grande dame de la poésie et de la littérature d’expression française qui retourne au silence. 
Née au Caire en 1920 dans une famille d’origine libanaise, elle a vingt-six ans lorsque, imprégnée dès son enfance de culture française et ayant passé sa jeunesse en Egypte, elle vient s’installer à Paris en 1946,  pour ne plus jamais en repartir et acquérir très tôt la nationalité française. 
La littérature francophone s’honore d’avoir été adoptée et enrichie  par un tel écrivain, au corpus considérable – plus de vingt recueils de poésie, une quinzaine de romans, sans compter les pièces de théâtre, publiés – et surtout marqué par le sceau d’une profonde universalité. La langue française ayant été, de son propre aveu, quasiment sa langue maternelle au sein de sa famille francophile, de plus perpétuellement entretenue  par ses études, ses fréquents voyages en France, l’été, notamment à Paris, on ne s’étonnera pas qu’elle en devînt un des « passeurs » les plus inspirés, tout en étant, dans ses œuvres poétiques et en prose, souterrainement et continûment abreuvée aux sources d’un Proche-Orient qui, selon ses termes, est « une terre de poésie », comme le souligne également le grand poète libanais Salah Stétié pour qui « le Liban est une terre vouée au poème. » , ce « Liban de rêve » salué par Rimbaud dans Les Illuminations. 
C’est sans doute en cela que Andrée Chedid aura atteint à l’universalisme, mais pas seulement car à travers ses sources d’inspiration, ses thèmes privilégiés, son ardente conviction que la poésie est transculturelle par son questionnement ontologique sur les sources premières de l’humanité, les énigmes présidant à l’existence de l’univers et celles jetant un voile opaque sur la problématique de la vie et de la mort, - « Nous ne pouvons bâtir / qu’adossés à la mort » affirmera - t- elle - c’est bien à chacun de nous qu’elle tend un miroir où se reflètent nos propres interrogations, nos doutes, nos angoisses, notre quête de sens car pour elle : « La poésie questionne l’univers / … nomme la liberté / et désigne le mystère / qui demeure entier. » Et si André Chedid sait nous toucher au plus vif, c’est qu’elle s’adresse à ses lecteurs dans une langue poétique d’une lisibilité et d’une transparence d’expression rares car elle se méfiait autant d’une  métaphysique ou philosophie desséchantes que des tics verbaux, de l’effusion lyrique, et des images convenues.  
Pour elle,  le poète est un être d’interrogation, «le poète vit d’insomnie perpétuelle »  comme le proclamait René Char  car elle  nous rappelle que « tant que nous n’aurons pas résolu le problème des origines […], la poésie gardera sa raison d’être » Et puis on peut lire sous sa plume, en quatrième de couverture de Rythme (ouvrage couronné par la Bourse de poésie Goncourt), les quelques lignes où elle évoquait cette profession de foi qui résume mieux que tout exégèse son œuvre poétique : « Rien, en poésie, ne s’achève. Tout est en route à jamais.[…]. Ne sommes-nous pas, en premier lieu, des créatures éminemment poétiques ? Venues on ne sait d’où, tendues vers quelle extrémité ? Pétries par le mystère d’un insaisissable destin ? […]. La poésie demeure éternellement présente, à l’écoute de l’Incommensurable vie. » 
L’essentiel de son œuvre poétique a été rassemblée chez Flammarion en deux volumes : Textes pour un poème 1949-1970 ; (1971) ; Poèmes pour un texte 1971-1990. (1991) Toujours chez Flammarion, elle nous a laissé en 2010 un dernier recueil : L’étoffe de l’univers. (Cf. l’étude de Benoît Moreau in Poezibao, novembre 2010).   
 
Bernard Mazo 


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