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Salerni, de Séverine Daucourt-Fridriksson (par Jean-Pascal Dubost)

Par Florence Trocmé

Daucourt Un petit livre tout en fragments érotiques, érotisant plutôt la page en repensée du sexe, « la langue dans tous les sens mais sans sexe n’est-ce pas ». Où le sexe est niché au bout des doigts, où le parallèle subtilement s’établit entre le plaisir du doigté d’écrire et celui de se procurer un plaisir érotico-solitaire, où le stylo semble titiller cette grande inconnue : l’âme ; (au point où je me demande si les petits points qui séparent chaque fragment ne figurent pas, ut pictora poesis, le point central de la jouissance féminine). L’âme, ce n’est rien, c’est une invention de chacun, un mot qu’on remplit à l’envi ; une hyper-présence érotique, au cœur des écrits de Séverine Daucourt-Fridriksson : « m’inventer (art de vivre) une âme digne d’être rendue », l’âme c’est le sexe sans sexe. Puis souvenons-nous de la formule de Roland Barthes : « Ce n’est pas la “personne” de l’autre qui m’est nécessaire, c’est l’espace : la possibilité d’une dialectique du désir, d’une imprévision de la jouissance : que les jeux ne soient pas faits, qu’il y ait un jeu » ; il y a cela dans Salerni, un jeu de recherche érotique avec les espaces laissés entre les fragments, comme si caresser le vide devenait érotique, un jeu délicieux, du moins un jeu qui recherche la jouissance surhumaine du défi à la mort. Georges Bataille l’affirme : « De l’érotisme, il est possible de dire qu’il est l’approbation de la vie jusque dans la mort » : « mot mort que l’écriture embrase » écrit Séverine Daucourt-Fridriksson ; un défi à l’anéantissement, une exubérance de la vie. Rien à voir avec cet érotisme qui abonde dans la littérature d’aujourd’hui, érotisme désenchanté, violent, vulgaire, grossier et répulsif, non, il y a dans cette poésie un érotisme du dénuement verbal, « parfois l’abîme se dénude s’éblouit ». La présence du corps et du sexe ne sont d’aucune obligation pour qu’Eros soit réveillé d’entre les dieux morts, car il se pourrait que l’érotisme selon Séverine Daucourt-Fridriksson, ce soit lutter contre « la condamnation à vivre », par subjugation. 
 
 
Jean-Pascal Dubost 
 
 
Séverine Daucourt-Fridriksson 
Salerni 
La Lettre Volée 
64 p., 14,50 €

Poezibao publie ce même jour un large extrait du livre 


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