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Anthologie permanente : André du Bouchet

Par Florence Trocmé

Les éditions Le Bruit du Temps d’Antoine Jaccottet publient simultanément deux livres d’André du Bouchet, Aveuglante ou banale d’une part, Une lampe dans la lumière aride d’autre part. Le premier livre regroupe les essais sur la poésie des années 1949 à 1959, le second, les Carnets de 1949 à 1955.  
 
 
22 Août 1951 
 
Aube sans soleil 
d’emblée blanche 
 
De la falaise : une immense foulée de nuages suspendue au-dessus du cours de la Seine. Cette chaîne blanche s’entre-ouvre au-dessus de l’île comme l’œil d’une aiguille.  
 
Champs magiques, comme une plage de sèches et de goémons fraîchement abandonnés par la mer. Couleurs encore réservées – arêtes aiguës, dentelle des chardons clairs comme des vitres – éveil des points jaunes et violets avant de s’être remués. 
 
À l’aube : tout ce qui est usé devient neuf et usé. Des objets usés – flambant neufs – et pas [encore] fatigués par le jour – comme les pierres du chemin qui rayonnent.  
Voilà la source éternelle qui nous est infusée pendant notre sommeil – que l’on peut surprendre si on est réveillé vers la fin de la nuit : on s’arrache à vue d’œil des vapeurs de la nuit.  
Le corps de vapeur s’étend sous les pieds comme une foulée de nuages. Le soleil monte dans la poitrine avant même d’apparaître à l’horizon de la chambre, entre les croisées noires et le monticule noir qui se détache sur le jour, l’aube nous laboure .  
La tête s’élance dans son champ, les amarres soudains coupées – pour un peu on chanterait comme les coqs.  
Ce rétablissement, de nouveau pied à terre, la tête aiguisée, est l’effet du transvasement de la lumière 
vases communicants. 
Remis à flot si les phénomènes de la gravité jouent dans la chambre, qu’on est collé sur le plancher, alors le renversement du monde, l’irruption de la lumière de l’autre côté. 
  sa réapparition en sens inverse, dans la direction opposée de son point de chute, provoque facilement cette montée de paroles et de cris. 
  le niveau monte 
  sonneries 
trop plein de cris 
quand la ligne dépasse, le niveau déborde, le coq chante.  

 
carnet 8, daté du 11 septembre, probablement 1951 
 
Mon infériorité – c’est que je n’écris que ce que je puis suivre à la main – comme une rampe. 
  Quand il n’y a plus de rampe, je me tais. Je suis moins qu’un homme. 
L’espace me déconcerte.  
 
... 
 
Ma faiblesse est de vouloir que ce que je dis soit vu –  
 
André du Bouchet, Une Lampe dans la lumière aride, Éditions le Bruit du Temps, 2011, pp. 120 et 121. 
 
André du Bouchet dans Poezibao :  
bio-bibliographie, extrait 1, dossier L’Etrangère 1, dossier l’Etrangère 2 (inédit sur Victor Hugo), dossier l’Etrangère 3 (lettre inédite à Paul Celan), dossier l’Etrangère 4 (article de Yves Peyré), Notes sur la poésie, 1, extrait 2, Notes sur la poésie 2, émission France culture oct 07, extrait 3, extrait 4, note sur la poésie, ext. 5 (Ef. Unes)
 
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