Magazine Culture

Poezibao a reçu, n° 171, dimanche 15 mai 2011

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs. 
 
 
Alain Veinstein, Voix seule, Seuil 
Philippe Denis, Petits traités d’aphasie lyrique, Le Bruit du temps 
Nuno Júdice , Géométrie variable, Vagamundo 
Sébastien Smirou, Un temps pour s’étreindre, P.O.L. 
Katherine Biddle, Journal 1940-1970 (Saint-John Perse intime), Les Cahiers de la NRF 
Gilles Weinzaepflen, La poésie s’appelle revient, DVD, L’Harmattan et les Films d’un jour 
Cahiers Armand Gatti n° 2 
Revue Souffle de Perse, hors-série n° 1, Saint-John Perse, discours de Stockholm 
Muriel Stuckel, Eurydice désormais, Voix d’encre 
Constantin Kaïtéris, Piles de proverbes, Ficelle 
Natyot, D.I.R.E., Gros Textes 
→et aussi 
Nicolas Jaen, Ange passant sans ombre, Polder 
Andréa Taos, Bleu de chauffe, Polder 
Philippe Jaccottet, Através de um pomar (traduction en portugais de A travers un verger
 
 
Notices détaillées de ces livres et revues en cliquant sur « lire la suite... »  
 

Alain Veinstein 
Voix Seule 
Seuil, 2011 
18 € 
 
Dans ce livre qui s’inscrit dans une nouvelle forme de poésie narrative inaugurée avec Le développement des lignes, Alain Veinstein offre non pas un recueil de textes, mais des éclats successifs qui finissent pas raconter une histoire, ou une situation. Le titre, Voix seule, résume l’enjeu : un personnage (homme) tente d’exister par sa seule voix, par le chant, dans un monde totalement désagrégé où il se retrouve seul, absolument seul, sans aucun lien avec qui que ce soit sinon par le chant où se joue le battement vivant de l’existence. Sa relation au monde passe par la voix, un monde qui s’est petit à petit réduit aux éléments d’un théâtre, le décor, le rideau, les coulisses pour accéder à une probable scène. Et, venant le hanter sans cesse, le père mort, qui apparaît ici comme le spectre de Hamlet. Et tout ce qui peut tourner autour, comme images mentales, par exemple creuser un trou, enterrer, à l’exemple du fossoyeur. Comment s’ouvrir un chemin dans l’épaisseur de la nuit, et faire en sorte que le noir ne prenne pas toute la place, quand on ne dispose pour tout espace que d’un genre de couloir paraissant ne mener nulle part, sinon à un rideau de théâtre rouge sang., derrière lequel on ne saura jamais exactement ce qui se trouve. 
(présentation de l’éditeur) 
 
« Comment l’appeler, ce livre : roman ?, poème ? Si je me décide pour roman, on me fera remarquer que je vais souvent à la ligne, comme dans les poèmes. Si je préfère parler de poème, on m’opposera la présence de personnages et des éléments d’une action à rebondissements, qu’on rencontre habituellement dans les romans. 
Je laisserai en fin de compte au lecteur l’embarras du choix. Je lui dirai seulement que Voix seule résulte d’un pan de vie en compagnie de mots avec lesquels j’ai entretenu une relation qui m’a semblé juste. Ces mots, j’ai essayé de les mener dans l’inconnu, le plus loin possible. Je leur ai demandé de me surprendre. » (Alain Veinstein, quatrième de couverture) 
 
 
Philippe Denis 
Petits traités d’aphasie lyrique 
Le Bruit du temps, 2011 
15 € 
 
Yves Bonnefoy écrit dans sa préface à Nugae : « Il y a chez Philippe Denis de livre en livre quelque chose comme un journal du regard errant par le monde, lui-même parlant volontiers de cahiers, de notes pour qualifier ses écrits. » Les Petits traités d’aphasie lyrique n’échappent pas à la règle. S’y mêlent notations, haïku, traductions, poèmes plus amples (en prose) célébrant le pays où il vit. Il s’agit toujours de rendre compte d’un enseignement : celui que prodigue chaque jour l’attention aux choses du monde ou, lorsqu’il s’agit de langage, à une langue encore perçue comme étrangère. 
« Apprends-moi à parler pierre », écrivait le poète allemand Johannes Bobrowski. « Nous nous entichons d’un galet qui exalte nos dons d’aphasie lyrique », dit à son tour Philippe Denis. 
La poésie naît quand la phrase se porte au-delà d’elle-même, au-delà des mots, rejoint le monde muet : « La langue : la toiture. Écrire pour soulever la toiture. » La langue lui rendrait-elle aussi ce sentiment de picotement que l’enfant éprouvait en posant la sienne sur les pôles opposés d’une pile électrique ? Une belle image de ce que peut être le langage revivifié par l’art du poète. 
  
  Les picotements que me procuraient 
  les languettes de cuivre
  des piles usagées 
  c’est eux
  page après page
  que je cherche à retrouver
  au contact d’un verbe
  qui,
     à lui seul,
  peut court-circuiter
  la différence des opposés. 
Petits traités d’aphasie lyrique, « alla breve »,  p.7. Site de l’éditeur
 
 
Nuno Júdice 
Géométrie variable 
Traduction de Cristina Isabel de Melo, Préface de Jean Paul Bota 
Vagamundo, 2011 
18 € 
 
En somme, l'amour est le seul acte de résistance à la condition humaine. La nouveauté chez Nuno Júdice est d'offrir une géométrie variable de l'acte amoureux – une architecture lumineuse qui résisterait au temps et qui célèbrerait l'amour et le poème. 
(Jean-Paul Bota) 
 
NUIT
(…)
Je poursuis l'ombre que tu m'as laissée. Je récolte,
dans son sillage, tes secrets de brume : et
je les effrite, comme du sable, jusqu'à
trouver la clé de l'énigme de ton corps. 
(site de l’éditeur) 
 
 
Sébastien Smirou 
Un temps pour s’étreindre 
P.O.L., 2011 
11, 50 € 
 
À l’origine, un travail thérapeutique avec des enfants, et le sandwich de la pause, une commande pour une anthologie de poésie destinée à la jeunesse, une lettre cryptée de Sand à Musset dans laquelle elle mixe une prose d’amour très chaste et un billet plein de fougue érotique (il suffit pour le voir apparaître de ne lire qu’une ligne sur deux : les lignes les plus crues sont comme prises « en sandwich » par les autres). Mais Sébastien Smirou a renforcé la contrainte initiale, en créant un « sandwich double » : le poème intégral y dissimule non pas un mais deux autres textes : celui que forment seuls ses vers impairs, puis celui que forment ses seuls vers pairs. Au final le sandwich double est donc triple... 
On peut estimer que cette forme de poème, contraignante par nature, dépasse le cadre traditionnel du « jeu d’enfant ». Mais faut-il considérer comme simples les jeux d’enfants, la poésie – et notamment la question de l’articulation vers/prose, qui est l’autre moteur de ce livre. 
(site de l’éditeur, où l’on peut lire les premières pages du livre) 
 
 
Katherine Biddle 
Journal 1940-1970 (Saint-John Perse intime),  
Les Cahiers de la NRF, Cahiers Saint-John Perse n°20 
Edition et traduction par Carol Rigolot, Professeur à l'Université de Princeton. 
19,50 € 
 
Le journal intime qui est présenté ici pour la première fois offre de nombreuses révélations sur Alexis Leger – Saint-John Perse (1887-1975), ainsi que sur la vie littéraire et politique internationale entre 1940 et 1970. Il nous offre la chance inouïe de pénétrer plus avant dans l'intimité quotidienne de cet homme fascinant pendant son exil américain et au-delà. Nous y rencontrons les grands personnages de l'époque avec des éclairages précis sur la diplomatie et la vie artistique pendant la guerre et l'après-guerre, ce qui suscitera l'intérêt d'un large public cultivé. Son auteur, Katherine Biddle (1890-1977), poète et critique, fut pendant trente ans la mécène, l'amie et la confidente de Saint-John Perse. Épouse de Francis Biddle, ministre de la Justice (Attorney General) sous Roosevelt et juge aux procès de Nuremberg, elle naviguait avec une égale aisance dans les milieux politiques et culturels de son temps. Cette Madame de Sévigné américaine notait, en une quarantaine de cahiers, ce qui se passait autour d'elle. Le présent volume rassemble surtout les pages qui concernent Saint-John Perse. Il révèle les confidences qu'il fit à une femme qui était amoureuse de lui et pour qui il avait, lui aussi, des sentiments plus qu'amicaux. Katherine Biddle raconte leurs conversations en tête-à-tête ou avec des personnalités de passage ; elle relate les commentaires du poète sur son enfance et ses amours ; sur la littérature, les arts et la politique de l'époque et, bien sûr, sur son œuvre poétique. Avec une admirable lucidité, elle examine les multiples facettes de cet étonnant personnage, tour à tour profond et naïf, sérieux et espiègle, séducteur et distant, solitaire et mondain, expatrié mais toujours patriote. (quatrième de couverture)  
 
 
Gilles Weinzaepflen 
La poésie s’appelle reviens 
DVD L’Harmattan et Les Films d’un jour 
bande annonce sur YouTube 
 
Documentaire sur le champ poétique contemporain en France, réalisé par Gilles Weinzaepflen. 
Avec Jean-Marie Gleize, Noura Wedell, Éric Pesty, Dorothée Volut, Antoine Dufeu, Christophe Manon, Géraldine Chognard, Ivar Ch'Vavar, Yves di Manno, Paul Otchakovsky-Laurens, Stéphane Bérard, Nathalie Quintane, Anne-James Chaton, Rudy Ricciotti, Julien Blaine, Jacques Demarcq, Charles Pennequin, Myriam Marzouki, Jean-Pierre Balpe, Bernard Girard, Michaël Battala, Véronique Pittolo, Christophe Tarkos, Lucien Suel, Jérôme Mauche. 
 
 
AG, Cahiers Armand Gatti 
n° 2, 2011 
« Les cinémas d’Armand Gatti » 
22 €  
 
Ce deuxième numéro de AG, Cahiers Armand Gatti se propose d’interroger « les cinémas d’Armand Gatti ». Par là, nous souhaitons mettre en évidence un pan de cette œuvre colossale, sinon minoré, du moins parfois ombragé par l’évidence du théâtre et de la poésie. Car le cinéma, les cinémas sont là, avec leur(s) langage(s), des années 1950 à aujourd’hui. Dans L’Aventure de la parole errante, Gatti l’expliquait à Marc Kravetz : ce « langage [lui] a été immédiatement familier ». Il n’a, de fait, cessé d’écrire pour, sur, avec et contre le cinéma, la vidéo et leurs images. 
En témoignent les films sur lesquels reviennent les contributions de ce dossier — L’Enclos, bien sûr, et tous les autres (il fallait à cet égard être exhaustifs) —, mais aussi des scénarios, nombreux à n’avoir jamais été tournés… L’un d’entre eux, inédit, sur « La Commune », est d’ailleurs reproduit in extenso dans la section « Archives ». Les études réunies le montrent : chaque scénario, chaque film, est en quête -d’associations qui se substituent au montage ; de mots qui débordent les cadrages ; de sons qui suppléent des images dans l’impasse ; de chants qui montrent la lutte ; d’images qui débordent les images et ouvrent sur « l’infinie diversité du monde. Autant dire, de « poèmes cinématographiques ». 
Parce que les films de Gatti s’inventent à plusieurs et parce que leurs images, leurs voix et leurs silences en appellent d’autres, une place est faite aussi, naturellement, aux créations que ses compagnons de route, Hélène Châtelain et Stéphane Gatti, ont réalisées à partir de ses propositions poétiques ou dramatiques. (site de la revue) 
 
 
Souffle de Perse, revue de l’Association des Amis de la Fondation Saint-John Perse 
Discours de Stockholm 
Cinquantenaire de l’attribution du prix Nobel de Littérature à Saint-John Perse, 10 décembre 1960 
Hors-série n° 1, décembre 2010 
10 € 
 
Ce numéro de la revue comporte le texte intégral du Discours de Stockholm des fac-similés des brouillons manuscrits, ainsi que diverses études.  
 
 
 
Muriel Stuckel 
Eurydice désormais 
préface Hédi Kaddour, œuvres picturales Pierre-Marie Brisson 
voix d’encre, 2011 
20 € 
 
Défi lancé à la crise moderne du lyrisme, Muriel Stuckel interroge le mythe d’Orphée qui, de Virgile à Rilke notamment, entrelace l’amour, la mort, l’art, pour fonder le lyrisme universel. Aspirant à le renouveler sur le mode audacieux de l’inversion, elle choisit de conférer la parole poétique à Eurydice, l’éternelle silencieuse de notre littérature. 
Entre la sonate de l’abîme et le chant ébloui du monde sensible, la voix de la nymphe chemine avec ardeur, refusant les ténèbres, le silence, la mort. Accédant à la splendeur de l’interstice qui sépare l’ombre de la lumière, elle se risque peu à peu à reconsteller la lyre d’Orphée. Avec l’élan du savoir ultime, elle implore le poète de ne pas se retourner, seule condition pour elle de s’arracher à son destin d’ombre muette. 
Et si Eurydice, tout autant qu’Orphée, était la Poésie désormais reconquise, vitale en ces "temps de détresse" ? (site de l’éditeur) 
 
 
Constantin Kaïteris 
Piles de proverbes 
Gravure de Tristan Félix 
Ficelle, n° 102, mai juin 2011, Rougier V. éd.  
9 € 
 
une fois sur deux, 
le sage et l’idiot partent du même pied 
(proverbe sherpa) 
 
Le bègue tient deux fois parole 
(proverbe bobo) 
 
La femme porte la forêt sur le dos 
et l’homme mâche une brindille 
(proverbe ewe) 
(quatrième de couverture)  
 
 
Natyot 
D.I.R.E.  
CD, lecture des textes, musique de Denis Cassan 
Gros Textes, 2011 
10 € 
 
Il y a des mots dans lesquels on voudrait donner des coups de pied pour qu’ils avancent, se projettent, sortent de la bouche comme un vomi de pierres. C’est vrai, certains mots sont des pierres, des mots pierres trop lourds pour remonter à la surface, grimper sur la langue, se hisser, et sortir une bonne fois pour toutes. C’est là qu’on voudrait leur donner des coups de pied, pour les aider à jaillir, les libérer de leur poids. Comme ça les mots pierres tomberaient sur la table, ou par terre ou dans ta gueule, on les regarderait comme des cailloux qu’ils sont, et on n’en parlerait plus. (Quatrième de couverture) 
 
 
et aussi :  
Nicolas Jaen, Ange passant sans ombre, Polder n° 149, 6 € 
Andréa Taos, Bleu de chauffe, Polder n° 150, 6 € 
Philippe Jaccottet, Através de um pomar, prefacio de Nuno Judice, tradução de Cristina Isabel de Melo, éditions Vagamundo, 2011, 13 € 
 


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