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Poezibao a reçu, n°177, dimanche 26 juin 2011

Par Florence Trocmé


Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs. 
 
Walt Whitman, Perspectives démocratiques, Belin 
Eugenio de Signoribus, Au commencement du jour, La Nerthe 
Jean-Claude Pirotte, Cette âme perdue, Le Castor Astral 
Revue Triages, n° 23 
Anthologie Triages 2011 
Wallace Stevens, Parties d’un monde, La Nerthe 
Emmanuel Moses, Préludes et fugues, Belin 
Lucien Suel, La Patience de Mauricette, Folio 
Jean-Luc Steinmetz, Le dépositaire, Le Castor Astral 
Robert Rapilly, El Ferrocarril de Santa Fives, La Contre Allée 
Colette Nys-Mazure, L’Envers et l’endroit, Éditions Cénomane 
Jean-Luc Maxence, Soleils au poing, Le Castor Astral 
Revue Préoccupations, n° 29 et 33, Galerie L’Ollave 
Judith Chavanne, À ciel ouvert, L’arrière-Pays 
Marie-Hélène Archambeaud, Comme une ancienne peau tombera, Rafaël de Surtis 
Nicolas Béal, Les ébauches d’une plume fragile, Praelego 
Jean Pichet, Un calme orage, L’Arrière-Pays 
 
Notices détaillées de ces livres et revues en cliquant sur « lire la suite... »  

Walt Whitman, Perspectives démocratiques, traduit par Auxeméry, Belin, 2011, 18 € 
 
Walt Whitman (1819-1892) est le premier de la lignée des poètes qui ont tenté de donner à l’Amérique son épopée, avec Feuilles d’herbe, poème de l’individu libre s’identifiant à l’espace ouvert du pays, et fier d’appartenir à une communauté conquérante. Dans le même temps, il plaidait, de façon argumentée, pour les idéaux dont il estimait porteurs les États-Unis.
Le texte des Perspectives démocratiques a été rédigé après l’assassinat de Lincoln, dans les années de la Reconstruction, et publié en 1876, sous sa forme définitive. Whitman voit la démocratie américaine non comme une donnée, mais comme un processus à faire entrer dans les faits : « Démocratie est un mot dont l’essentiel de la réalité est encore en sommeil… ». Comment concilier la nécessaire liberté de l’individu-citoyen avec son appartenance à la nation ? Comment former les corps et les esprits de façon que l’idéal démocratique devienne la référence du monde ? Comment suivre les modèles « féodaux » de l’Ancien Monde sans en reproduire la copie servile ? Le poète se fait idéologue ; en montrant la voie pour la formation de l’avenir, il est amené à esquisser le profil du «Lettré» qu’il appelle de ses vœux. 
Le grand poète américain Walt Whitman (1819-1892) est avant tout l’auteur du recueil Feuilles d’herbe, (Leaves of grass), célébration de l’individu libre de son corps, s’identifiant à l’espace ouvert du pays, et fier d’appartenir à une communauté conquérante.
Perspectives démocratiques, nourries des mêmes convictions, en représentent le pendant politique. 
Auxeméry, poète lui-même, est un grand spécialiste et traducteur de la poésie américaine: W. C. Williams, Charles Reznikoff, H. D., Ezra Pound, Nathaniel Tarn et surtout Charles Olson. 
 
 
Eugenio de Signoribus, Au commencement du jour, (1990-1000), traduit par Thierry Gillyboeuf, préfacé par Martin Rueff, La Nerthe, 2011, 20 € 
 
Eugenio De Signoribus (né en 1947) est aujourd’hui l’une des voix poétiques italiennes les plus importantes, lauréat du prestigieux Prix Viareggio de poésie en 2008, dont Principio del giorno, paru en 2000, est l’un des chefs-d’œuvre. La présente traduction permet aux lecteurs français de continuer la découverte de ce poète de la mémoire, de la mélancolie et du pressentiment. L’œuvre d’Eugenio De Signoribus, dans sa sensibilité aux souffrances de l’autre et aux drames contemporains, qu’il s’agisse des goulags, du fondamentalisme religieux, de la Shoah ou des émigrations en masse, fait penser immédiatement à celle d’un Paul Celan ou d’un Giorgio Caproni, qui baignerait dans une lumière aurorale, oscillant entre incertitude et espérance. 
 
 
Jean-Claude Pirotte, Cette âme perdue, Le Castor Astral, 2011, 13 € 
 
« Cette suite de poèmes dont le titre est évidemment un hommage à Valery Larbaud s’apparente, comme de plus en plus souvent dans mon travail, au journal intime, encore que disposé, conçu pour la publication.
Le carnet intitulé Cette âme perdue a été ouvert le 20 février 2010 près de la mer du Nord, et ses dernières pages datent de fin avril 2010, alors que je retrouvais la parole après une assez courte mais douloureuse hospitalisation. Ces poèmes assez brefs, dénués de toute ambition novatrice, écrits au jour le jour, témoignent de ce que, dans Alma perdida, Valery Larbaud évoque : "poésie de choses banales … / Hauts et bas du temps et du tempérament" ».
(Jean-Claude Pirotte) 
 
 
•Revue Triages, n° 23, Tarabuste, 2011, 23 € 
 
Au sommaire de ce numéro de Triages, notamment Jacques Izoard, Dominique Dou, Claude Minière, Jean-Louis Giovannoni, Emilio Araùxo/James Sacré, Serge Martin, Alexis Pelletier, Françoise Clédat, Mathew Tyson 
 
 
•Anthologie Triages, Tarabuste, 2011, 23 € 
 
Avec des textes de Paule Marie Duquesnoy, Jean-Pierre Farines, Denis Ferdinande/Noémie Parant, Romain Fustier, Bénédicte Gorrillot, Hélène Grimaud, Marie-Céline Henry, Isabelle Lévesque 
 
 
Wallace Stevens, Parties d’un monde, Textes traduits et présentés par Thierry Gillyboeuf, La Nerthe, 2011, 20 € 
 
Parts of a World (1942) était à ce jour, inexplicablement, le seul recueil de Wallace Stevens (1879–1955) à n’avoir jamais été traduit en français. La présente édition, augmentée de quelques poèmes écartés du recueil et de Harmonium par le poète, permet de combler cette lacune. Ce recueil est aussi, sans doute, le moins connu des ouvrages de Wallace Stevens, alors qu’il contient certains de ses poèmes les plus aboutis, composés entre The Man with the Blue Guitar et  Notes toward a Supreme Fiction. Conçu comme un livre synecdotique, Parts of a World est habité par le thème unificateur de la guerre, que ce soit celle entre les nations, entre les éléments ou entre l’être et la conscience, que Stevens décrit comme le produit "du bourdonnement des pensées qui se sont échappées dans mon esprit", en émettant une musique onirique au charme envoûtant. 
 
 
Emmanuel Moses, Préludes et fugues, Belin, 2011, 16 € 
 
Les voix tissent leur trame mélodique, s'accompagnent, se croisent, s'entrelacent, se répondent. Parce que la poésie est une parole, c'est-à-dire un message et une adresse. Chaque poème est à la fois locuteur et interlocuteur. Porté par la structure du contrepoint et de cet échange incessant avec l'autre, ce livre, en sept cycles et un interlude, questionne la grande Histoire dont les secousses résonnent en chacun de nous et la petite histoire, celle de l’individu, où se heurtent le sentiment amoureux, l'émerveillement d'être au monde et la résistance à cet affront qu'est la mort. Grâce à la répétition de mots, de phrases entières parfois, Emmanuel Moses rythme ses poèmes à la manière de l’aède et célèbre le phénomène de la reprise, non pas comme un éternel ressassement mais en tant que progression continue à partir d'un présent (ou d'un passé) toujours en mouvement. 
 
 
Lucien Suel, La Patience de Mauricette, Folio 
 
Reprise en poche, Folio, de ce livre de Lucien Suel 
 
 
Jean-Luc Steinmetz, Le dépositaire, Le Castor Astral, 2011, 13 € 
 
Dans l’exploration du temps qu’elle suppose, la poésie s’adonne autant au présent qu’à la mémoire. Dans la première partie de ce livre ce n’est pas le passé qui est envisagé, mais l’instant tel qu’il peut s’offrir, sans extases dûment affichées, ni portes ouvertes au regret. recueille (mais n’est-ce pas « lire » ?). Les trois autres séquences, dont la deuxième et la troisième, plus brèves, imposent un déplacement dans l’espace. L’une indique un amour lointain. L’autre, en terres borgésiennes, se veut à l’affût de banalités qu’elle exaspère. La dernière partie, « Lignes de Crète », fait écho à un carnet de sensations et de pensées déjà donné dans deux autres livres. La prose, cette fois, y domine, mais sous l’aspect de fragments. Le gain de ces textes est dans la perte qu’ils suggèrent, laquelle n’est pas nécessairement dénuée d’espérance. En l’occurrence, sans démontrer, viennent au jour des poèmes qui ont lieu d’être
 
 
Robert Rapilly, El Ferrocarril de Santa Fives, préface de Jacques Jouet, La Contre Allée, 2011, 18,5 € - parution le 7 juillet 
 
1888 – El Ferrocarril de Santa Fives, ou le voyage de Manuel Mauraens pour Santa Fe au départ de Lille. Manuel Mauraens, ouvrier promu contremaître, s’apprête à gagner l’Argentine. Il y supervisera les travaux du chemin de fer ralliant Santa Fe à Tucumán. On le suit à l’affût des auteurs de son temps, des comptes-rendus industriels, de la presse, des articles encyclopédiques, de tout ce qui annonce la nouveauté de demain. Le récit alterne épisodes en France et visions d’une Argentine promise, celle où l’on a redécouvert cent vingt ans plus tard une station ferroviaire baptisée Fives-Lille. À l’ombre tutélaire des maîtres oulipiens, l’auteur s’est attaché à ajuster la précision des formes poétiques aux techniques de la révolution industrielle. 
En complément audio, Robert Rapilly dialogue avec le musicien Martin Granger au fil d’une lecture musicale en aparté. 
Robert Rapilly écrit de la poésie depuis l'enfance. Il anime des ateliers d'écriture avec l'association Zazie Mode d'Emploi, et dirige dans la Manche un festival oulipien : Pirouésie. Il écrit sans relâche et imprime parfois lui-même ses poésies aux Éditions du Camembert ou chez LaProPo, Laboratoire de Procrastination Potentielle. 
 
 
Colette Nys-Mazure, L’Envers et l’endroit, précédé de Tapisserie Angevine, Éditions Cénomane, 2011, 10 € 
 
L’envers & l’Endroit est constitué d’un ensemble de textes inspirés par la rencontre avec des femmes et des hommes en situation d’apprendre ou de réapprendre à lire et à écrire. « Les paroles des écrivants ont éveillé en moi, dit Colette Nys-Mazure, la mémoire d’autres textes. J’ai perçu le poids du non-dit et de l’héritage familial, la place irremplaçable des grands-parents aussi bien que le sentiment “d’avoir été oublié” ; la souffrance des dérives scolaires ou professionnelles, de l’échec amoureux ; le souci des enfants auxquels on souhaite une existence meilleure que la sienne… » Dans ce sillage, Colette Nys-Mazure a écrit dix nouvelles qui explorent un passé parfois trouble et les questions qui taraudent encore le présent, tentant d’élucider ce qui se dissimule sous les apparences et les silences. En ouverture, Tapisserie angevine tisse le motif de la fragile sensibilité qui se livre dans les textes écrits par les participants au fil de cette aventure. 
 
 
Jean-Luc Maxence, Soleils au poing, Préface de Patrice Delbourg, Le Castor Astral, 12 € 
 
« Votre langue attaque comme l’acide. La gravure est nette, essentielle, et fait de vous un poète hérétique ! J’aime cette rage écrite, contenue, ce masque arraché. Vous écrivez au burin, au poignard. » (Pierre Seghers) - « Vos poèmes traînent chez moi comme un reproche. C’est impossible d’y être insensible ! » (Louis Aragon) Reconnu par ses pairs, Jean-Luc Maxence brise une décennie de silence. Tour à tour mystique et révolté, il mène ses multiples combats avec une étonnante énergie et une indépendance radicale, indestructible. Son œuvre ne s’est jamais compromise, jamais démentie. Cette anthologie personnelle est constituée d’un choix de poèmes écrits entre 1969 et 2011. Quarante ans de poésie rebelle 
 
•Revue L’ollave Préoccupations, n° 29 et 33, Galerie L’Ollave 
 
Au sommaire du numéro 33, notamment Germain Roesz, Isabelle Baladine-Howald, Patrick Beurard-Valdoye, Patrick Dubost, Joël Frémiot, Jacques Goorma, Henri Macchéroni, Bernard Vargaftig, Jean de Breyne.  
Les rédacteurs de la revue L’Ollave, Préoccupations, sont des artistes. Ils sont sollicités par la rédaction. La revue paraît par série de plusieurs numéros. 
L’Ollave, Préoccupations, Rue du moulin à vent, 84400 Rustrel-France  
 
 
Judith Chavanne, À ciel ouvert, L’arrière-Pays 
 
Pour l’invention du quotidien, elle avait imaginé 
de placer sur la table basse, 
grand ouvert, un cahier 
- comme on pose aussi dans l’hiver au jardin un nichoir 
et les oiseaux viennent s’y rassasier ; 
on aurait jonché les pages de poèmes et de phrases,  
feint de s’envoyer 
encore des sortes de lettres, et recréé 
en cet amour une fenêtre 
pour qu’il ne devint pas comme le salon exigu, encombré 
(p. 18) 
 
 
Marie-Hélène Archambeaud, Comme une ancienne peau tombera, Rafaël de Surtis, 2011, 15 € 
 
21.03 
 
Un composé d’oiseaux le filet d’une ou plusieurs 
des voix humains 
qui chantent. Surimposent au taillis de petits cris, 
répondent afin que 
tu reprennes, d’où, cet oiseau-là que j’entends un 
peu plus proche. ( ?) 
(le ciel est bas d’où qu’il chante 
immobile, 
pauvre âme l’écoute encore) 
 
 
Nicolas Béal, Les ébauches d’une plume fragile, Praelego, 2011, 12 € 
 
Cet ouvrage nous invite à découvrir les pensées et les réflexions d’un illustre inconnu. Nicolas Béal évolue dans le même monde que nous, dans la même société. Néanmoins sa vision de la vie, empreinte d’originalité et de poésie charme et étonne. Mais après tout, cet inconnu ne serait-il pas cette personne que vous croisez chaque lundi matin ? Ou votre collègue de travail ? Ses écrits sensibles, sincères et réalistes, évoquent des thèmes, tels qu’internet, la nature ou la mort, qui nous concernent tous et nous questionnent sur le monde actuel. Simplement parfois, bercé par le chant de la rime souvent, ce recueil nous emmène dans le monde des mots, mélange de magie, de douceur et de peine…
 
 
Jean Pichet, Un calme orage, L’Arrière-Pays 
 
Paille, poussière, 
Feuille, plume – un songe s’en va. 
 
Comme dire au chemin 
Que nous sommes égarés ? 
 
Les herbes et les fleurs sont heureuse, 
Dans le pré où nul ne passe. 
L’âme du vent y joue 
Avec une eau cachée 
(p. 21) 


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