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i.m. Robert Marteau (par Bernadette Engel-Roux)

Par Florence Trocmé

Robert Marteau est mort en mai 2011. L’hommage qui lui sera rendu sera aussi discret que l’écho que cette œuvre ample et diverse aura suscité. Toute une, vie elle aura traduit les Rites et Offrandes au monde d’un poète attentif, en une inlassable laisse de sonnets, dans une voix inouïe et bien singulière au vingt-et-unième siècle. 
Sous le chapeau du galeriste, du paysan et du promeneur, assis sur un banc à l’ombre de tilleuls, on le revoit, attentif toujours et partout à son oisellerie familière.  
Il vient toujours du bocage et de Chizé même s’il revient des Tuileries, passe des bornes ou des haies.  Au jour le jour, il ne cesse de consigner en sonnets (semblables à nuls autres) l’Il y a du monde et de son mystère, en sorte que son calendrier est l’almanach d’une Liturgieininterrompue. La parole de son ravissement nous persuade que, toujours et partout, nous sommes dans la forêt primordiale, lieu de l’habitation conjointe des dieux et du Christ, de la Vierge et d’Isis semblables par ce bleu profond dont on a vu la nuit les vêtir, des nymphes et des fées, des chamans et des alchimistes, des druides et des apôtres, des bêtes et des anges, du saint esprit et du saint tao ! Et berceau des Muses, institutrices qui nous enseignent en langue ornithologique et catholique l’évidence sinon inaccessible à notre intelligence. Muse, A quoi servent les livres qu’elle/ N’a pas pollinisés ?  s’interroge-t-il, cependant que les palombes, savantes en musurgie, recomposent inlassables la partition originelle, car seules les bêtes témoignent de ce qui n’a pas de preuve. 
Il nomme en Dampierre-sur-Boutonne les lieux où s’est cryptée la genèse du monde, il affirme du même timbre paisible la transmutation des éléments et sa fraternité intemporelle avec Corot ou l’Angelico, Cézanne ou Gauguin. Il dit que si le devoir des hommes :  
 
Suspendus dans le ciel, nous voyageons 
De l’inconnu à l’inconnaissable 
 
n’est pas d’expliquer la merveille mais de lui rendre grâces, celui du poète, guidé par le Cra faste de la corneille messagère est, dans une attention pieuse, d’en recueillir la trace insaisissable : 
  
Moi, j’irai, la hache en main, ouvrant des brisées 
Jusqu’au château de l’âme ou plus aucune angoisse  
Ne réside ; et nous récolterons la rosée.
 
 
Confiance qui ne l’empêche pas de connaître et de dire le vertige de notre précarité, notre marche impossible vers l’autre rive, notre lutte dans le jeu tragique et notre crucifixion quotidienne privée de toute pâque.  
 
 
[Bernadette Engel-Roux] 


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