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Où vont ceux qui s’en vont ?, d'Antoine Mouton (par Jean-Pascal Dubost)

Par Florence Trocmé

Mouton Jeune auteur de trente ans, Antoine Mouton a publié avant ce livre, deux livres, un récit et un roman, aux mêmes éditions; ce livre, conçu à l’occasion d’une résidence d’écriture au Centre poétique de Rochefort-sur-Loire. Il prévient rapidement le lecteur, « je pense à un film et je prends des photographies/numériques plusieurs centaines/1998 exactement/1998 photographies de ces lieux où je ne m’arrêterai jamais/et si je m’y arrêtais un jour, les reconnaîtrais-je ? », des photographies prises pendant un voyage en train, des photographies d’extérieur, dans lesquelles il cherche une hypothèse, sans réponses, à la lancinante question qui fait titre. Les photos en couleur reproduites en couverture, sous la forme d’une planche contact, montrent du ciel et des nuages, et laissent à penser qu’on va suivre une pensée religieuse, une pensée qui cherche à se rattacher ou à se relier à quelque chose qui rassure ou soutient. Mais il en est autrement, la pensée fuit, s’échappe, se fait mystérieuse (pourquoi 1998 photographies ?, se demande-t-on), laisse planer des doutes sur les intentions de l’auteur, et a-t-il vraiment des intentions, ne cherche-t-il pas à égarer le lecteur comme lui-même s’égare dans l’absence de réponses ? Alors on trouve des photographies en noir et blanc à l’intérieur du livre, floues parfois, qui accentuent le mystère de la démarche, ou le flou du regard, ou le sombre de la pensée (de plus en plus sombre page après page). C’est une narration qu’on suit au fil d’un déplacement immobile, une narration qui alterne prose coupée en vers et prose en lignes filantes, si ce n’est fuyantes, rapides assurément ; il y a en effet une certaine célérité dans l’immobilité de l’inquiétude qui fige le corps (« quoiqu’on fasse on est là/même si là se meut » ; passages – nombreux : voulu ?, trop ? – qui réfèrent à Antoine Émaz). C’est une belle vitesse, celle qui tente l’illusoire course contre la mort. Multipliant les formes dans lesquelles elle se glisse, cette écriture semble devoir s’affirmer encore, et dans le dernier tiers du livre, elle promet de s’affirmer, car se resserre autour de l’événement qui justifie l’écriture du livre, produit un effet de surprise ainsi comme dans un roman à suspens, qui oblige à une lecture à rebours, justifie la raison d’une alternance pronominale (il/je), ainsi que le ciel, les nuages, et le chiffre 1998. 
 
1 Au nord tes parents en 2004, et Berthe pour la nuit, en 2008. 
 
 
[Jean-Pascal Dubost] 
 

Antoine Mouton, Où vont ceux qui s’en vont ?, Centre poétique de Rochefort-sur-Loire  & La Dragonne , 128 p., 16 € 


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