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Dormir avec Marylin

Par Memoiredeurope @echternach

Dormir avec Marylin

En circulant d’hôtel en hôtel, je n’arrive pas vraiment à me convaincre qu’ils présentent des différences. D’abord parce que je me concentre sur une certaine gamme de prix. Et que dans cette gamme-là, le décor est standardisé. On sent bien que chaque élément a une valeur référentielle. Il en va comme de tout évidemment, mais ici la valeur est reliée à une matrice invisible qui doit intégrer tous les éléments à l’intérieur d’une stratégie de prix de revient compressé et de marge optimisée. La place du sèche-cheveux, s’il en existe un, comme celle du sachet de thé sont désignées dans un rapport budgétaire précis et linéaire qui coïncide avec la place de glace grossissante, s’il en existe une et avec la bouilloire où baigne une résistance électrique.

Privé de maison dans le pays où je continue à travailler régulièrement, je me suis d’abord exercé à changer de chambre le plus souvent possible, passant de la tendresse vaguement campagnarde, en tout cas familiale de l’une, à la rationalisation extrême de l’autre où la seule aventure réside dans l’utilisation du pommeau de la douche qui s’éclaire et dont la lumière parcourt toutes les couleurs de l’arc en ciel au fur et à mesure qu’on augmente le débit d’eau chaude ou qu’on le réduit.

Et puis j’ai trouvé une moyenne qui tient à la facilité de l’accès internet, à la proximité de l’aéroport et à l’éloignement de la piste d’envol, à la blancheur de la couette et à la taille de la tablette de nuit. En un mot aux repères que je retrouve après les nuits passées dans ma propre chambre. Puisque j’en ai au moins une personnelle !

Et puis soudain, viennent des "surprises".

Lundi passé, j’étais à Palma de Majorque. Et la nuit qui précédait, je me suis endormi dans une sorte de cellule dont la fenêtre étroite donnait sur un mur. Pas de bruit pour me déranger, certes. Mais de toute manière il fallait que je me lève tôt pour vérifier le texte sur lequel j’allais improviser. Des Baléares, je n’aurais donc, à moins d’y revenir en vacances, que l’impression pluvieuse d’une terrasse de restaurant gagnée de haute lutte après un verre de vin rouge et une bière partagés avec des représentants de régions espagnoles. L’orage a ainsi trempé la poche gauche de ma veste. Là où je glisse mon porte monnaies. De la cellule en question je me suis rendu dans une cellule plus grande où on avait enfermé d’autres fous qui, comme moi, étaient venus célébrer la fin d’un travail en se levant à l’aube en France, pour se retrouver dans la chaleur de la nuit à vérifier que sur l’île, comme dans la péninsule ibérique voisine, les touristes se couchent tard.

La nuit dernière, par contre,  j’étais à Paris dans un hôtel que là non plus je n’avais pas choisi. Il n’a d’ailleurs pas été des plus faciles à trouver. Ouvert il y a quelques jours, dans l’urgence de cacher les murs où il manque encore une couche de peinture, celle de masquer une fente, ou encore de crier à l’innovation avant que les journalistes des revues de mode ne le découvrent, il regarde en levant le front les tours du quartier Beaugrenelle. Le propriétaire a opté pour une ambiance cinématographique englobante, pour ne pas dire pesante. Au rez-de-chaussée, le mobilier ressemble, avec un grand souci du détail, aux décors des appartements où évoluaient Spirou et Fantasio à la fin des années cinquante, ou encore aux trésors du design que le pavillon français de l’expo de Bruxelles proposait à ses visiteurs en 1958. Au sol, une moquette piquée reprend les croisures d’un sergé comparable à celui de la première veste que mes parents m’ont achetée dès que j’ai abandonné les culottes courtes. Mais le thème du cinéma a été résolument choisi comme fil conducteur. Voix d’acteurs et musiques de films dans les couloirs et les ascenseurs. Portes à miroirs ou bien laquées noir avec une lampe rouge qui s’allume lorsque l’on pénètre dans la chambre,  exactement comme dans les studios d’enregistrement. Et comble du bonheur, une chambre coupée du monde extérieur grâce à de lourdes tentures noires pailletées. Une chambre où le lit est lui-même couvert de coussins du même noir pailleté et dans laquelle le portrait de Marylin, encadré des onglets qui permettent à un film d’être entraîné par la mécanique du projecteur, a été placardé du mur au plafond, cinq fois plus grand que dans la réalité. Une véritable addiction qui se redouble de la présence d’une silhouette de la même Marylin, jeune, cheveux défaits, figurant en tramé sur la glace placée derrière les cintres de l’espace destiné à ranger les vêtements. Je ne parle même pas du studio de maquillage qui sert de cabinet de toilette, de la douche où les lumières se concentrent en halo comme dans les studios de tournage. Tout en un. Les yeux dans les yeux avec le sex-symbol, une nuit durant.

Dormir avec Marylin

Je ne fais pas de publicité. Du moins c'est ce que je pensais ce matin en prenant le petit déjeuner, assis sur une chaise dont le dossier portait le nom de Cary Grant. Ni pour, ni contre. Le prix d'une nuit dans une telle chambre flirte tout de même avec celui du petit ordinateur sur lequel, dans le train qui me ramène à Strasbourg, je transcris mes impressions.

Et Marylin continuera certainement de chanter cette nuit, sans moi : « Poo poo pee doo. Wanna be loved by you »

J’attends la prochaine "bonne" surprise !

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