Magazine Culture

Rose Ausländer [anthologie permanente]

Par Florence Trocmé

La très belle et bien trop discrète revue Fario poursuit dans son numéro 10, avec un quatrième ensemble, la publication d’un dossier, qu’on espère voir devenir livre un jour. « Dans la chimère des mots, chronique du ghetto de Czernowitz et de la déportation en Transnistrie » propose des témoignages traduits de l’allemand par François Mathieu. Dans ce quatrième chapitre, les auteurs sont Rose Ausländer, Paul Celan, Ilana Shmueli, Heinz Kehlmann, Hedwig Brenner, Edith Silbermann, Alfred Kittner, Alfred Gong. 
 
 
Silence retentissant 
Bien des gens se sont sauvés 
Hors de la nuit 
des mains ont rampé 
rouge brique du sang 
des assassinés 
 
Ce fut un spectacle retentissant 
le tableau d’un incendie 
d’une musique de feu 
Puis la mort se tut 
Elle se tut 
 
Ce fut un silence retentissant 
Des étoiles souriaient 
entre les branches 
 
Les rescapés attendaient au port 
Des bateaux échoués 
Ils ressemblent à des berceaux 
sans mère ni enfant 
 
|○| 
 
Je n’oublie pas 
la maison paternelle 
la voix de ma mère 
le premier baiser 
les montagnes de la Bucovine 
l’exode de la Première Guerre mondiale 
les privations à Vienne 
les bombes de la Deuxième Guerre mondiale 
l’entrée des troupes nazies 
les tremblements de peur à la cave 
le médecin qui nous sauva la vie 
la douceâtre Amérique 
 
Hölderlin Trakl Celan 
 
mes souffrances à l’écriture 
l’obsession de l’écriture 
encore et toujours 
 
Ich vergesse nicht 
das Elternhaus 
die Mutterstimme 
den ersten Kuss 
die Berge der Bukowina 
die Flucht im Ersten Weltkrieg 
den Einmarsch der Nazis 
das Angstbeben im Keller 
den Arzt, der unser Leben rettete 
das bittersüße Amerika 
Hölderlin Trakl Celan 
meine Schreibqual 
den Schreibzwang noch immer. 
 
|○| 
 
Nous allâmes chez nous 
sans roses 
elles étaient restées à l’étranger 
Notre jardin est 
enterré dans le cimetière 
Beaucoup de choses 
se sont transformées 
en beaucoup de choses 
Nous sommes devenus des épines 
dans les yeux des autres 
 
Wir kamen heim
ohne Rosen
sie blieben im Ausland
Unser Garten liegt
begraben im Friedhof
Es hat sich
vieles in vieles
verwandelt
Wir sind Dornen geworden
in fremden Augen. 
 
Rose Ausländer, « Dans la chimère des mots IV, trad. François Mathieu, revue Fario n° 10, pp. 304, 306, 309 (l’édition n’est pas bilingue) 
 
Rose Ausländer dans Poezibao : 
bio-bibliographie extrait 1 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines