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[Feuilleton] "Le Retour d'Arkadina" de Liliane Giraudon, 3/13

Par Florence Trocmé

Poezibao publie en feuilleton Le Retour d’Arkadina, une pièce de Liliane Giraudon, en 13 épisodes. Voir ici l'avertissement de Liliane Giraudon. (épisodes précédents : 1, 2)  
 
 
Pas du corps. De l’ensemble des corps. 
Un cœur qui s’ouvre. 
Je me souviens. 
On travaillait dans le lit d’une rivière. 
On la dévalait. On charriait des pierres. 
On avait transporté de vieux matelas. 
On les entassait en tas, très haut. 
Il fallait escalader les matelas. 
Je ne savais rien de la célébration.  
Je ne sais rien de la célébration. 
Je sais seulement comment je ne suis pas morte. 
Comment j’ai arraché cet amour de mon cœur.  
Je n’ai rien arraché. 
J’ai vu mon amour mort.  
Ce corps froid. 
Constantin Gavrilovitch. 
Les mains. Comment on avait placé ses mains de chaque côté du corps. 
Posées là. 
Oui, deux poissons. 
On a arraché les yeux. Ils sont là. 
Je ferme les yeux et je les vois.  
Ces mains qu’il n’a jamais posées sur moi. 
Treplev. Treplev.  
Treplev mon amour. 
 
Alias Nina : 
Et cette conne qui entend « ondinisme » quand on lui dit « triolisme » ! 
C’est quoi ça ! 
Moi, quand je joue, je suis toutes.  
Toutes les trois. 
Et je peux aussi bien être nue. 
Si on demande --- je le fais. 
Je pisse. J’écarte les jambes. Doucement. Et je pisse. 
Avec lenteur.  
 
Alias Trigorine : 
Pour toi c’est une jouissance de me dire des choses désagréables 
 
Alias Nina : 
Je m’arrête quand je veux. 
 
Mes sphincters je les contrôle. 
Dessous -- visage ou pas-- je contrôle. 
Et mon texte, je le sais. Si j’improvise -- j’improvise. 
La table (ils parlent tous de travail à la table) je peux m’y coucher. 
Attendre. 
Pourquoi ce sourire sur ta bouche ? 
Et cette liquidité de la langue anglaise… 
C’est pas comme la russe… 
Sometimes, I start a sentence in English 
Y termino en Espanol… 
Je n’ai pas d’obligation contractuelle à fournir. 
Il faut agir. 
Je ne veux plus jouer mais être. 
Cette nuit n’est pas un épisode. 
Cette nuit marque une étape. 
 
Rien n’est simple. Rien n’a jamais été simple. 
On exagère toujours. 
On se fait des idées. 
Maintenant c’est fini. Tout ça est fini. 
Quand ça a commencé ? 
Comment il a fait. 
Attachée. Il m’a attachée. J’étais sa chose. Il le savait. 
Non, il ne savait rien. 
C’est lui qui était attaché. À elle. 
Moi je suivais. Je les suivais. 
Lui il écrivait des livres dans les livres. 
Les livres des autres. Ou leurs vies. 
Il notait tout. On ne le voyait pas mais il notait tout. 
Il appelait ça son lexique. Son lexique d’interprétation… 
Et toutes ces filles qui gloussaient après lui… 
Pas capable d’en faire jouir une seule. Mais toutes dans son lit. 
Comment je le sais ?  
Bien sûr que je le sais. 
Je le sais. C’est tout. 
Sa pine ? Au repos une cacahuète, en action  un spaghetti …  
Maintenant qu’elle est morte il change de camp. 
Il se tourne. 
Plus rien ne l’intéresse. 
Chez moi plus rien ne l’intéresse. 
J’exécute, c’est tout. 
J’exécute les monologues. 
Les monologues sont devenus des soliloques. 
Un soliloque n’est pas un monologue. 
 
épisode 4 le vendredi 11 mai 2012



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