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UN DUEL, d'après Maupassant

Par Dubruel


La guerre était finie.

Les Allemands occupaient notre pays

Qui palpitait comme un lutteur

Tombé sous le genou du vainqueur.

Les premiers trains sortaient

De Paris affamé, attristé.

M. Dubuis allait rejoindre en Suisse

Sa femme et son fils

Envoyés par prudence à Sion

Avant l’invasion.

La famine n’avait pas diminué

Son gros ventre d’épicier

Riche et pacifique.

Dans son compartiment, deux Britanniques

Le regardaient de leurs yeux curieux.

Ils étaient gros aussi tous deux.

À une petite gare, le train s’arrêta.

Un officier Prussien monta.

Les Anglais lui sourirent.

M. Dubuis fit semblant de lire.

Indiquant de la main le village,

Le Prussien prononça en français :

-« Ché tué touze Français tans ce fillage.

Ché bris aussi plus de cent brisonniers.

Si ch’afais eu le gommandement

Ch’aurais bris Paris et tout prûlé

Et tout le monde tué.

Blus de France tans vingt ans,

L’europe abartiendra à nous.

La Brusse plus forte que tous ! »

L’officier blaguait la France écrasée,

Insultait l’ennemi à terre,

Se moquait de notre défense acharnée,

Riait de l’Autriche vaincue naguère,

Plaisantait sur nos gardes mobiles

Et notre artillerie devenus inutiles.

Sur sa pipe il tirait

En regardant le Français

Au quel il demanda :

-« Vous n’auriez bas de tabac ? »

-« Non. », répondit Dubuis.

L’Allemand reprit :

-« Gand le train ztopera

Je fous brierai t’aller m’en acheter. »

Plus loin, de nouveau, le train s’arrêta.

-« Fite, allez faire ma gommission ! »

Dubuis enfila son veston,

Descendit sur le quai,

Chercha un bureau de tabac

Mais n’en trouva pas.

Comme la machine sifflait

Et que le convoi allait

Démarrer, le Français

Contraint, forcé,

Sauta dans le train rapidement,

S’assit dans le premier compartiment

Venu, sans rechercher le sien

…Qui était aussi celui de l’officier prussien.

Il essuya la sueur de son front, et haletant

Déboutonna son gilet.

Mais Dubuis fut bien vite repéré

Par ses voisins Anglais

Et l’autoritaire officier allemand :

-« Fous n’afez pas foulu faire ma gommission ? »

-« Non. »

-« Che fais couper votre moustache

Pour bourrer ma pipe ! »

Le Prussien allait lui saisir la lippe

Quand le Français, bravache,

Le saisit au cou,

Lui flanqua une dégelée de coups,

Le renversa par terre et se jeta sur lui.

Le ventre énorme de Dubuis

L’écrasa et sa poigne de fer l’étrangla.

Le Prussien, tout en se débattant, hurla :

-« Fous me rentrez raison. Che vous tuerai !

Et che prendrai deux amis bour témoins. »

Arrivés à Strasbourg, ils trouvèrent un pré.

Dubuis, ayant les Anglais comme témoins,

Visa et tira.

Le Prussien s’écroula et expira.

Un des Anglais cria :

-« Hip, hip, hip, hurrah ! »

Dubuis et les Anglais prirent le train suivant

…Sans les trois Allemands.


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