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[note de lecture] "Ariane Dreyfus" de Matthieu Gosztola, par Antoine Emaz

Par Florence Trocmé

DreyfusOn connaît la collection Présence de la poésie, aux éditions des Vanneaux. Double présence, en fait, puisque le plus souvent, c’est un poète qui présente un autre poète : ainsi pour Huglo / Rousselot, Dhainaut / Malrieu, Albarracin / Peuchmaurd, Ughetto / Alyn… C’est encore le cas ici avec Matthieu Gosztola, lecteur d’Ariane Dreyfus. On remarquera, en s’en félicitant, que celle-ci est la première femme à entrer dans la collection. 
L’organisation du livre est classique : une longue étude occupe le premier tiers du volume, et une anthologie de textes les deux derniers tiers. On trouvera aussi un cahier photos très vivant, et une bibliographie complète qui intègre aussi les traductions et les articles critiques. 
 
L’étude de Matthieu Gosztola se veut résolument synthétique et d’un seul tenant, sans chapitres ou sous-parties, sans approche chronologique de l’œuvre. Celle-ci est visiblement saisie comme un tout, un univers en mouvement certes, mais réglé par une seule loi gravitationnelle : aimer. 
Ensuite, les approches peuvent varier : philosophique, thématique, psychologique, éthique…selon les moments et les déplacements du lecteur à l’intérieur d’une œuvre qu’il connaît bien et qu’il aime, jusque dans ses marges. Les entretiens donnés par Ariane Dreyfus à Tristan Hordé, Serge Martin, Valérie Rouzeau et Jean-Pascal Dubost sont souvent mis à contribution, avec justesse. En quelque sorte, il s’agit, sur tel ou tel point, de laisser le dernier mot à l’auteure sur son propre travail. Cette modestie honore le critique. 
En plaçant l’amour comme moteur, soleil de cette œuvre, Gosztola a raison. Même s’il y a sans doute un sourire, ce n’est pas pour rien que le premier livre d’Ariane Dreyfus s’intitule L’Amour, 1 aux éditions De, en 1993. Il est significatif aussi que le contact avec l’œuvre de James Sacré soit décisif. Pourtant, à aucun moment me semble-t-il, Gosztola n’emploie le terme de lyrisme, pourquoi attendu. On comprend bien que dans les limites d’une présentation, il soit impossible d’ouvrir toutes les portes, mais on aurait aimé voir clarifié ce point : en quoi l’écriture d’Ariane Dreyfus ne peut-elle être strictement qualifiée de lyrique alors que l’auteure utilise le « je », et que le sentiment amoureux est central ? Comment, formellement, si Ariane Dreyfus se place volontiers dans une postérité éluardienne, son écriture n’a-t-elle rien à voir avec lyrisme amoureux romantique ou surréaliste ? 
 
Ceci posé, la lecture de Gosztola est pleine d’intuitions justes sur le visage, l’enfance et la présence, le rapport amoureux, le corps, le oui… On sent une vraie empathie entre le lecteur et l’œuvre : l’étude est fouillée (les pages croisant la pensée de Lévinas et la poésie d’Ariane Dreyfus sont très belles, par exemple), mais elle ne vire jamais au travail universitaire qui se voudrait définitif, fermé. Gosztola pose seulement, de façon claire, des jalons de lecture : ainsi, «  La poésie d’Ariane Dreyfus s’appuie sur la tristesse pour être non pas une poésie de bonheur mais, et c’est bien plus, une poésie heureuse. » (p. 20) Difficile de dire en moins de mots, et sans emphase, ce qui est effectivement au cœur de cette poésie. 
L’anthologie nous permet de voyager dans l’œuvre et ses parages, à travers quelques « regards portés ». On comprend que Gosztola ait renoncé à une approche chronologique de l’œuvre : à travers la variation des « gestes d’écriture » s’impose une cohérence profonde de l’ensemble des livres. Elle tient à une personne, à sa relation à l’autre, aux autres, au monde et à la langue. 
 
[Antoine Emaz] 
 
Titre : Ariane Dreyfus 
Auteur : Matthieu Gosztola 
Editions Les vanneaux, Collection Présence de la Poésie 
360 pages, 19 € 


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