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Fable de Jean de LA FONTAINE : La Forêt et le Bûcheron

Par Unpeudetao

Un Bûcheron venait de rompre ou d’égarer
Le bois dont il avait emmanché sa cognée.
Cette perte ne put sitôt se réparer
Que la Forêt n’en fût quelque temps épargnée.
   L’Homme enfin la prie humblement
   De lui laisser tout doucement
   Emporter une unique branche,
   Afin de faire un autre manche.
Il irait employer ailleurs son gagne-pain ;
Il laisserait debout maint chêne et maint sapin
Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes.
L’innocente Forêt lui fournit d’autres armes.
Elle en eut du regret. Il emmanche son fer.
   Le misérable ne s’en sert
   Qu’à dépouiller sa bienfaitrice
   De ses principaux ornements.
   Elle gémit à tous moments.
   Son propre don fait son supplice.

Voilà le train du Monde et de ses sectateurs :
On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d’en parler ; mais que de doux ombrages
   Soient exposés à ces outrages,
   Qui ne se plaindrait là-dessus !
Hélas ! j’ai beau crier et me rendre incommode :
   L’ingratitude et les abus
   N’en seront pas moins à la mode.

Jean de LA FONTAINE (1621-1695).

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