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Un paléoanthropologue dans l’entreprise

Par Coachetmoi @coachetmoi

S'adapter et innover pour survivre

« Il faut accorder plus de place à la collaboration et au partage »
Extrait de l’interview de Pascal Pic publiée dans Les Echos

Vous qui avez écrit « Un paléoanthropologue dans l’entreprise », quelle place a, selon vous, le concept de partage dans le milieu des affaires ?
En France, fille aînée du cartésianisme et du taylorisme, la productivité et la performance absolue priment dans le travail. La structure détermine les postes, elle les attribue, et chacun est prié d’exécuter au mieux sa tâche. Résultat : les salariés des grands groupes, le nez dans le guidon, n’accordent guère de temps à l’entraide et au partage qui, de toute façon, ne sont pas évaluables. Et si les choses tournent mal, le système -seul responsable -remplace les titulaires des postes. En revanche, dans un groupe où la structure n’est pas toute-puissante, il est possible d’accorder une plus large place au partage d’expérience et à l’échange. On manage alors autre chose que du temps de travail. Les entreprises les plus innovantes sont celles qui incitent leurs acteurs, à tous les niveaux, à échanger et à s’écouter mutuellement. Et là, tout le monde se sent responsable !

Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux n’induisent-ils pas plus de travail collaboratif ?
Des outils seuls ne servent à rien ; ils doivent être au service d’un projet. Si les salariés ne lèvent pas le nez du guidon, il n’y a pas d’échange, les tuyaux restent vides. Il est plus facile de se rencontrer dans les PME, où l’on « fissionne » pour se livrer à ses tâches et où l’on « re-fusionne » ensuite pour partager l’expérience. Mais la France, avec sa culture d’ingénieurs et de grandes écoles, ne fait pas confiance aux PME. Ce sont pourtant elles qui sont les plus à même de produire des innovations de rupture. La panne d’innovation du « modèle français » vient en partie de là.

Pourtant l’Inpi vient de déclarer que, d’ici à cinq ans, 50 % des innovations proviendront d’un processus collaboratif…
Ce constat n’a rien de nouveau. On réduit l’innovation à un nouvel outil technologique, sans prêter attention au processus dont il est issu. Ce processus, fait d’emprunts, de modifications et de recombinaisons inédites d’éléments existants, est ce que les évolutionnistes appellent le « bricolage ». Ainsi, pour Claude Lévi-Strauss, mythes et croyances résultent du bricolage de « mythèmes », fragments de mythes tirés d’autres récits. François Jacob vous dirait qu’il en va de même pour les gènes (nous avons quasiment les mêmes que les chimpanzés !), Stephen Jay Gould et moi-même pour la morphologie. En entreprise, ça se traduit par quoi ? Par moins d’autoritarisme, plus de marge de manœuvre pour les salariés, plus de collaboration… L’innovation ne doit pas être le seul apanage des ingénieurs, mais résulter du « bricolage » collectif d’un ensemble d’acteurs : philosophes, artistes, scientifiques, designers, etc. Ideo, la société de design californienne, illustre parfaitement cette tendance.

Difficile de faire passer ce message au sein des grands groupes installés…
C’est compliqué pour eux, contrairement aux start-up, mais ils peuvent y parvenir s’ils placent le partage et la diversité au nombre de leurs priorités et, surtout, s’ils s’écartent de l’individualisme forcené, porté à son paroxysme par Thatcher et Reagan dans les années 1980. Et les choses peuvent aller plus loin encore si on généralise les systèmes de relations inter-entreprises comme il en existe en Isère, en Vendée, en Bretagne et ailleurs. A contrario, Sophia Antipolis, cette bonne idée de départ, n’est en vérité qu’une simple juxtaposition d’entités ; on est loin de la Silicon Valley !

Pascal Picq est paléoanthropologue au Collège de France. Expert de l’APM (Association Progrès du management), membre associé au comité Médicis et à l’Académie des Entrepreneurs, il intervient depuis une quinzaine d’années dans le secteur de l’entreprise, sous la forme de conférences et de séminaires auprès de dirigeants et de publications. Il est notamment l’auteur de l’entreprise impertinente est celle capable d’évoluer (Cercle des Entrepreneurs du Futur / La Documentation Française, 2010 – Prix Innovation de l’Entreprise impertinente du Cercle des Entrepreneurs du Futur 2009).


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