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Le vin et sa communication

Par Mauss

Quiconque, sur cette planète, est producteur d'un bien économique se doit de faire savoir à ses acheteurs potentiels, non seulement que ce bien existe, mais qu'il vaut le coup d'être acquis.

Comment communiquer lorsqu'on est producteur de vin ?

Si on a un budget adéquat, la publicité est toujours d'actualité. Mais ce n'est pas à la portée de tous les vignerons, loin de là !

Si on a une équipe de "relations publiques", créer des événements, des visites, des repas, bref des occasions de faire parler de soi, pas de souci : les étoilés michelin savent proposer leurs services :-)

Et à tout ce système classique, l'internet a apporté son lot d'outils de communication, depuis un site propre où le vigneron explique et met en valeur son travail jusqu'aux forum (fora) et blogs où il intervient, anonymement ou sous son nom, histoire de mieux se faire connaître d'amateurs en quête d'informations.

Où veux-je en venir ?

Au fait que cela a sensiblement changé le rôle, la fonction, la façon de communiquer de ce qu'on appelait autrefois les journalistes du vin, style Michel Dovaz.

Précisons : on se place ici dans le contexte économique des choses, à savoir qui paie pour le travail de personnes qui souhaitent vivre du métier de critique.

L'idéal, pour assurer une solide indépendance, est d'assurer ses revenus par ses lecteurs. On reste ainsi totalement indépendant de la production ou tout comme. Robert Parker en est l'exemple le plus évident. Les abonnés à sa revue, les acheteurs de ses livres lui assurent de très confortables revenus. Les châteaux ne font pas ses fins de mois.

Mais soyons lucides : se faire financer par ses lecteurs n'est vraiment pas chose facile !

On assiste donc à un glissement irrésistible vers d'autres sources de financement. Quand on est dans un support "papier" comme la RVF, on sait que c'est la pub qui finance majoritairement la revue, et donc, on fait ± "avec". Disons qu'on sait faire quelques retours d'ascenseur. On saura éviter les sources de conflit potentiel, du style comparer à l'aveugle des classés avec des sans grade (manifeste pro domo, je sais, je sais) :-)

L'autre média qui prend de l'importance, ce sont les publi-reportages avoués ou cachés. Cette façon de mélanger une promotion à un commentaire généralement flatteur fait que le journaliste apparaîtra comme un outil au service d'un domaine. A terme, c'est quand même avouer la perte de son indépendance.

Mais un phénomène nouveau est en train de prendre de l'importance : l'engagement, par des supports papier généralistes, de plumes professionnelles. L'équipe B+D est un exemple incontestable de réussite sur ce plan. On trouve de plus en plus les signatures Bettane-Desseauve dans des journaux ayant des diffusions dépassant largement les 100.000 lecteurs : ce qui n'est pas peu. Naturellement, il faut espérer que cette ouverture sur tous les lecteurs, et pas seulement sur le monde restreint des amateurs, est correctement financée par les éditeurs. Thierry Desseauve est un bon sur ce plan : understatement ! :-)

Est-ce là un bel outil de défense de l'indépendance qu'on est en droit d'exiger de la part de la critique ? Je crois que oui, et des exemples comme plusieurs papiers de Bernard Burtschy dans Le Figaro démontrent une belle indépendance versus le monde de la production. Tiendra t'il encore longtemps ? Ça, c'est une autre histoire, car, quand même, ce support papier prend quelques libertés avec la justesse des informations. Exemple : qui écrit les articles d'Enrico Bernardo ?

Bon, cette utilisation de signatures connues dont les textes sont écrits par des "nègres" semble relativement pratiquée aussi dans d'autres domaines : il n'empêche ! On dévie. Sujet à aborder ailleurs.

Ajoutez à cela la difficulté grandissante de bien des critiques à accéder à des bouteilles de plus en plus chères, et comment commenter un vin si on ne peut le déguster ? Seul le Dr Bonobo a cette rare et quasi unique possibilité :-)

Donc, la question d'actualité est de savoir comment tracer les lignes jaunes de la critique indépendante dans ce nouveau contexte économique de communication, avec des internautes prêts à vous fusiller au moindre dérapage ? Sujet qui sera abordé encore cette année au WWS avec le séminaire d'Antonio Galloni, le bras droit de Parker, et Enzo Vizzari, le patron des Guides Espresso en Italie.

Entre un Michel Bettane qui a à la fois les moyens intellectuels et financiers de dire ce qu'il pense et un Michel Smith qui se finance lui-même et dit aussi ce qu'il pense - avec un peu plus de véhémence - , il y a donc toutes la gamme "d'écrivains" du vin qui doivent, quelque part, tenir compte de qui les finance à moins d'avoir naturellement d'autres sources de revenus.

Mais bon : ne croyons surtout pas que les lecteurs sont des benêts. On le voit dans le domaine de la critique gastronomique où les plumes serviles sont très vite dédaignées par les gastronomes à qui on ne le fait pas. C'est un peu plus lent pour le vin, mais c'est aussi d'actualité.

On me permettra ma conclusion habituelle : un pas de géant sera fait, pour le critique, en passant à la dégustation à l'aveugle. Quitte à ce qu'il corrige sa note honnêtement en fonction d'autres critères qu'il expliquera à ses lecteurs.

Toujours ce droit de rêver…


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