[Feuilleton] « Avec la peau d’une autre vie » de Claude Mouchard, 4/12

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vivre l’être-soi, l’être échu à soi,  là d’où il provient et là où il se rend ...  
non pas dans des moments solennels ou mythiques mais à tout instant : par lapements élémentaires et vitaux 
(est-ce là ce que nous apprenons – posturalement dans l’espace, rythmiquement au fil du temps –  l’un de l’autre ?) 
  
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Sous ou contre la lumière jaune de la cuisine, quand nous parlons ou nous taisons, 
il arrive qu’afflue de la nuit fluide et rongeuse,  
celle du pas en même temps...   
Elle ne vient pas seulement, cette nuit, couler, toujours inattendue mais parfaitement reconnaissable, entre nous. 
Elle s’insinue en l’un et en l’autre, en chacun des deux que nous sommes là ; il faut qu’elle  y décompose des appuis ou consistances, des rémanences... 
Chaque phrase ensuite pourra renaître entre nous plus inévitable pour avoir été baignée dans ce styx d’huile noire.  
 
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Certains poèmes de De Signoribus (pour moi décisifs), je crois les sentir nés d’une cruelle surexposition à des afflux obsédants, non désirés, et particulièrement,  peut-être – je rêve –, à un ou des écrans de télé brûlant durant des journées ou nuits entières.  
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rien de plus bête, voire de plus sale  (« collant », nuisible ? humiliant ?) que de prétendre envelopper quelqu’un d’attention – 
me dis-je soudain...  
cette pauvre évidence s’est plaquée contre moi dans la rue comme une feuille noire, une révélation humide, pourrissante –  et il ne faudra pas m’en défaire..., me dis-je sous la pluie 
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Des instants-loupes : grâce à la conversation, ou contre elle, la bloquant soudain, voici une inclusion pure, celle d’un  fragment ou de quelques fragments – fougères, restes d’insectes – de vie perdue dans un bloc de résine translucide mordorée. 
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À la maison ! 
24 avril 2008, O. passe pour m’aider, voire, en riant de ma maladresse, pour me remplacer… Je viens de commencer à creuser une mince et longue tranchée pour le plombier qui installe des conduites dans le jardin. Blocs de briques et ciment contre le mur ; pioche ; barre à mine… 
Il entre, « comme chez lui » (et j’ai un petit accès d’émotion – de fierté ?), dans la cuisine, devant le plombier qui travaille à ouvrir un accès pour ses tuyaux ; il prend une chope en verre, la met dans le micro-ondes, qu’il met en marche, sans succès, il s’étonne ; le plombier dit que c’est lui qui a débranché, s’excuse. 
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Matin quelconque. Nous parlons, longuement, lentement. La radio dans la pièce à côté est restée « allumée ».  Musique... je me lève pour l’arrêter...« Pourquoi tu arrêtes ? » Est-ce qu’il croit, est-ce qu’il sent, comme ça m’arrive, que la musique,  soudain,  écoute ? 
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19 avril 08 ... était-ce à 9h du matin ? clarté horizontale dans presque tout le rez-de-chaussée. 
O passe soudain (il aura descendu l’escalier commun, ouvert la porte intermédiaire dont il a la clé...). Il vient me faire lire pour lui un courrier de l’ANPE. 
Assis dans la cuisine, on évoque le travail, pendant quelques semaines, sur des chantiers à La Source. Il m’explique la peinture à l’extérieur, l’isolation (je lui fais redire le mot plusieurs fois), le placoplâtre (problèmes de prononciation... on tâtonne un moment) à l’intérieur, du polystyrène à l’extérieur, et aussi de… la colle (j’ai d’abord compris « l’alcool » – il rit), et une peinture… spéciale.  
Je lui rappelle qu’il m’avait dit, il y a quelque temps, être content de travailler avec des Soudanais… Mais maintenant, il me dit qu’il a travaillé aussi avec des Portugais, mais qui parlaient en français, etc. 
La peinture au dehors, rythmée par la pluie, le gel. Parfois de plus longues interruptions. Puis : plus de travail du tout… 
épisodes 1, 2, 3, 4 
suite vendredi 23 novembre 2012