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La question des AOC et des droits de plantation

Par Mauss

Article intéressant ce jour dans le quotidien du Figaro, signé par Frédéric Durand-Bazin sur des vignerons qui préfèrent sortir d'une AOC et vendre leurs crus sous la simple dénomination de IGP.

Et article tout aussi intéressant dans Sud-Ouest du jour sur l'évolution du serpent de mer des droits de plantation que voulait totalement libéraliser Bruxelles alors même que montaient des organismes de plusieurs pays, France en tête, pour que ces droits soient maintenus.

Deux questions délicates, on s'en doute.

La première implique que celui qui sort des règles de l'AOC où se trouvent ses vignes, doit être suffisamment conscient de la force de son étiquette et de la qualité de ses vins pour que sa clientèle continue à lui être fidèle. C'est loin d'être évident pour tout le monde.

Si un Jérôme Bressy (Domaine Gourt de Mautens) dans la région de Rasteau franchit le pas comme l'a fait auparavant le plus connu Eloi Durbach, quid de tant d'autres ? 

En même temps, on comprend que malgré toutes ses imperfections, le système des AOC reste une des bases majeures de la viticulture française, et c'est même une de ses signatures qui conforte ses positions internationales… avec toutes les copies de ce système des AOC que sont en train de mettre en place de nouveaux pays du vin.

Et chacun sait à quel point ce système complexe des AOC, surtout en Bourgogne, est la base même de tant de discussions autour du vin. Si cette fascinante région ne faisait que du "pinot noir", sans qu'il y ait de hiérarchie entre des grands crus, premiers crus et villages, de quoi parlerait-on ? :-)

Exemple autre de limite : si un Hubert de Boüard défend la notion de "marque" comme élément moteur plus puissant de promotion que d'autres, on n'envisage pas une seule seconde qu'il abandonne pour autant les règles inscrites sur l'AOC saint-émilion grand cru.

Là où l'affaire se complique, c'est la confrontation entre deux concepts : d'une part la nécessité - quand même - d'avoir des règles de production, et d'autre part l'acceptation d'expériences de vignerons voulant, comme à Rasteau, ne pas dépendre des pourcentages fixés pour tel ou tel cépage.

On sait qu'en aucun cas, le système des AOC est là pour apporter un confort qualitatif à l'acheteur. Cette règlementation a été mise en place essentiellement pour éviter les traficotages du siècle passé où nuitamment, par exemple, des camions rhodaniens apportaient quelque confort à quelques bourgognes en manque de puissance. Idem à Bordeaux où le verbe "hermitager" était souvent conjugué avec discrétion, certes, certes.

Si notre valeur de liberté ne voit pas pourquoi on interdirait à un producteur du sud-ouest de planter du riesling - dont le succès ne peut se créer que par une réussite commerciale - on sent bien que c'est un peu une porte ouverte à du n'importe quoi.

La seconde implique là encore une restriction de libertés à un moment où l'Europe reste quand même dans une optique de libéralisation des choses. Permettre à x ou y de planter des ceps là où, pour le moment, c'est interdit, on peut se demander : au nom de quoi ? De la protection de ceux qui sont sur place ? C'est un peu un protectionnisme caché. Mais en même temps, de nouveaux pays comme la Roumanie : pourquoi n'aurait-il pas le droit de développer ses propres vignobles sans passer par des fourches caudines européennes ?

Autre argument, économique cette fois, les surplus de production. Bien des régions ont du mal à bien vivre de leur viticulture. Permettre à de nouveaux arrivants de planter à tour de bras, est-ce bien nécessaire ?

Autre argument, qualitatif cette fois, la qualité des terres. Tout le monde est à peu près d'accord pour dire que les meilleures terres pour la vigne sont plantées. Bon, en Champagne, il y a sans doute à redire sur ce point. Mais ailleurs ? Permettre de planter, ce serait ouvrir la porte à un nivellement vers le bas.

On le voit : il y a là deux problèmes qui seront plus ou moins bien traités dans les années à venir. En espérant que les décideurs, les législateurs comprendront que la seule et saine sortie de la vigne européenne ne doit se faire que par le haut, et en préservant, autant que faire se peut, les deux spécificités majeures des vins européens : une tradition historique et une culture allant au-delà d'un simple produit économique.


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