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4 avril 1914/Naissance de Marguerite Duras

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


  Le 4 avril 1914 naît à Gia Dinh Marguerite Duras, fille de Henri Donnadieu et de Marie Obscur, née Legrand.


  « Marguerite a six mois quand sa mère tombe malade si gravement que les médecins militaires à Saïgon la rapatrient d'urgence en France. Elle souffre « d'arthrites multiples, de paludisme, de manifestations cardiaques et de complications rénales ». Soignée à l'hôpital militaire de Toulouse, elle revient le 14 juin 1915 à Saigon pour apprendre que son mari doit repartir pour la France.
   La toute petite a donc vécu huit mois loin de sa mère, élevée par un boy vietnamien. La famille vient à peine de se retrouver que c'est au tour du père de sombrer dans des souffrances atroces qui l'obligent à consulter d'urgence les médecins militaires qui diagnostiquent une double congestion pulmonaire, une colite aiguë et une dysenterie grave. Ordre lui est donné par le gouvernement général de l'Indochine de regagner immédiatement la France [...]
   La famille Donnadieu habite l'école de Gia Dinh. Pas de luxe, de stucs, de bouddhas somnolents, de ruines orientales, mais une maison classique de fonctionnaire du début du siècle. Juste quelques maigres petits palmiers devant l'entrée pour la touche exotique. La mère se rend en tram à l'école municipale des jeunes filles de Saïgon. Quatre arrêts. Une petite heure de trajet. Les petits sont élevés par des domestiques. Existence petite-bourgeoise de blancs, de fonctionnaires bien intégrés dans le cercle de la colonie. Sur les rares photos qui subsistent, les enfants sont habillés comme des communiants, sages comme des images. Les parents, eux, ont l'air vieux, las, fatigués.
   Marguerite disait qu'elle aurait tant voulu se souvenir de son enfance avec nostalgie et émerveillement. Hélas, elle fut triste et sans éclat. Vieille dame, elle n'y verra même aucun signe de l'enfance: « Rien de plus net, de plus vécu, de moins rêvé que ma toute enfance. Aucune imagination, rien de la légende et du conte bleu qui auréole l'enfance des rêves. * » Marguerite a trois ans quand ses parents quittent Saïgon. Son père est nommé au Tonkin. Avancement administratif sur le tableau d'honneur de la colonie. Indéniablement cette nomination est une promotion. Henri devient directeur de l'enseignement primaire à Hanoi [...]
  « C'est la cour d'une maison sur le petit lac d'Hanoi. Nous sommes ensemble, elle et nous, ses enfants. J'ai quatre ans. Ma mère est au centre de l'image. Je reconnais bien comme elle se tient mal, comme elle ne sourit pas, comme elle attend que la photo soit finie. A ses traits tirés, à un certain désordre de sa tenue, à la somnolence de son regard, je sais qu'il fait chaud, qu'elle est exténuée, qu'elle s’ennuie **.

   Les souvenirs d'Hanoi restent teintés de mélancolie et de tristesse. »

Laure Adler, Marguerite Duras, Éditions Gallimard, 1998, pp. 33-35-36.


* Écrivait-elle dans ses cahiers d'écolier pendant la guerre. Archives IMEC.
** Inédit (page sans date). Archives IMEC.



Voir/écouter aussi :
- (sur Terres de femmes) Marguerite Duras, « l'autre façon de se perdre » ;
- (sur Terres de femmes) 5 janvier 1960/Première création d’Un barrage contre le Pacifique ;
- (sur Terres de femmes) 14 janvier 1976/Marguerite Duras, Des journées entières dans les arbres ;
- (sur Terres de femmes) 23 octobre 1981/Reprise à l'Athénée de La Bête dans la jungle ;
- (sur Terres de femmes) 28 septembre 1983/Création de Savannah Bay de Marguerite Duras ;
- le site de la Société Marguerite Duras.

Pour entendre Marguerite Duras parler de son père, cliquer ICI [Source : Association Marguerite Duras [Format RealPlayer].



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