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Reviens, JJG, reviens, parce que la France, elle a besoin de toi !

Publié le 23 janvier 2013 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Je me suis d’ores et déjà scandalisée dans ces colonnes du projet du projet Génération Goldman, et je n’ai évidemment pas regardé l’émission d’Estelle Denis sur TF1 ce samedi 19 janvier 2013. Non pas que je ne supporte pas l’idée qu’on puisse reprendre impunément les chansons d’une des idoles de mon panthéon enfantin, mais de la manière dont tout cela est fait m’horripile. Mais franchement, hein. Pire que la radicalisation des positions sur le mariage gay, c’est pour vous dire.

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J’ai déjà vécu comme un drame personnel la « retraite » de Jean-Jacques Goldman après avoir épousé une obscure fan et s’être barré à Marseille. C’est un peu comme si on me disait aujourd’hui que Muse allait encore sortir un album aussi pourri que The 2nd Law. Bon, il faut avouer qu’en termes de composition, ça n’a gêné personne qu’il chante et fasse chanter les mêmes airs à tout le monde pendant plus de 20 ans. Mais ces airs, ces mots avaient le talent de correspondre à l’époque dans laquelle ils se posaient. Aujourd’hui, trente ans après ses débuts, non seulement je pense que ses chansons sont datées, mais je pense que Jean-Jacques a compris lui-même qu’il n’était plus en accord avec la société, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a décidé de se retirer de la chanson et de se concentrer uniquement sur l’écriture et la composition – grande marque d’intelligence, au final, s’il en est.

Mais, même si les chansons originales ont vieilli, je vais vous montrer pourquoi face à JJ, tu peux pas test – oui, même toi, M. Pokora.

C’est un altruiste, mais il n’aime pas trop qu’on l’emmerde avec ça

Petit rappel, pour commencer.

Jean-Jacques, il a composé ceci :

Mais il a surtout chanté ceci, quelque temps auparavant :

On pourrait se dire, à écouter certaines paroles de Compte pas sur moi (Les rockeurs engagés sont nos derniers des justes, ils nous sauvent peut-être pendant qu’on s’amuse…), que l’ami Goldman est un bel hypocrite. Mais quand on regarde le bonhomme de plus près, ce n’est pas que JJ n’aime pas la perspective d’aider son prochain, bien au contraire, mais il refuse la perspective de mettre sa notoriété au service du charity business. Chose qui est tout à fait cohérente avec le personnage : il a passé une bonne partie de ses chansons à louer les héros du quotidien (Il changeait la vie), à s’imaginer dans la tête de personnes qui font des miracles comme si c’était une chose normale (Juste après)… Acte ultime d’altruisme : même pété de thunes, il préfère se planquer à Marseille plutôt qu’en Belgique. Bref, JJ est un gars bien, mais motus et bouche cousue.

Il a écrit de très belles chansons d’amour

Même si ce n’est pas lui qui les a chantées. Bon, les chansons dont je vais vous parler sont évidemment cul-cul la praline, mais pour leurs interprètes, ça a fait péter le high score. Et puis rhô, on a écrit pire en termes de déclarations sentimentales…

… Par exemple.

Non, Jean-Jacques, quand il fait chanter des mots d’amour, ça reste très classe. Et ça reste aussi dans les années 1990. Petite démonstration en trois chansons :

Patricia Kaas, Il me dit que je suis belle (Je te dis vous, 1993)

Ecrite sous le pseudo de Sam Brewski, c’est l’un des tubes phares de la chanteuse qui, à l’époque, commençait à perdre un peu de vitesse. En lui donnant une chanson qui lui permettait d’être sensuelle et séductrice sans pour autant être sophistiquée, Jean-Jacques a participé à mûrir l’image de Patricia. Le tout servi par un clip d’inspiration Wicked games du meilleur effet.

Céline Dion, Pour que tu m’aimes encore (D’eux, 1995)

Là aussi, JJ a réussi à féminiser en une chanson l’image de la petite fille mal dégrossie par son R’né de manager. Sa participation à Starmania au début des années 1990 lui donnait encore l’apparence d’une adolescente pas tout à fait sûre d’elles. Et il suffit que JJ débarque avec un album du tonnerre pour que la carrière internationale de la Céline décolle. GG, JJ.

Khaled, Aïcha (Sahra, 1996)

C’est une jolie chanson, certes, mais pour la mélodie, on sentait que le jour-là, JJ était fatigué. La preuve, il l’avait déjà utilisée l’année précédente pour Les derniers seront les premiers, sur l’album D’eux de Céline Dion. Malgré tout, JJ a fait avec les paroles françaises un bel hommage à l’amour que je pense que Khaled n’aurait peut-être pas eu tout seul…

JJ lui-même a chanté de belles ballades amoureuses, notamment sur l’album En passant. (1997). Ce qui est curieux, d’ailleurs, c’est que la même année, il divorce de la mère de ses trois premiers enfants. Si Quand tu danses et Sache que je… sont une manière de lui dire que, malgré tout, il ne va pas lui pourrir la gueule, voici encore une preuve de grande classe de la part de l’ami JJ.

Il a réussi à aborder des thématiques parfois très intimistes

S’il a fait des chansons parfois très légères (Quand la musique est bonne) ou politiquement très correctes (Je te donne) qui en ont fait l’idole des scouts de langue française de ma génération, JJ a aussi chanté des thématiques qui lui étaient émotionellement plus chargés, comme l’exil contraint (Long is the road) ou choisi (Là-bas). Il a aussi abordé des faits sociaux de manière détachée (Elle a fait un bébé toute seule) ou plus grave (Le coureur). Mais jamais, oh grand jamais, il n’expliquera de lui-même que ses chansons sont un peu l’histoire de sa vie. JJ a donc réussi ce tour de force d’aborder l’intimité humaine sans se dévoiler un tantinet soi peu, mis à part évidemment sur En passant.

La raison principale pour laquelle je m’insurge donc sur la récupération du répertoire de Jean-Jacques Goldman est juste que lui seul a le recul pour chanter les mots qu’il a chantés. Dès lors qu’un autre artiste s’approprie ses mots, ses chansons deviennent triviales et perdent tout leur sens. Même si t’as plus de 60 ans, on s’en fout, Jean-Jacques : écris-toi un album et viens nous conter l’universel comme tu as su si bien le faire. Au nom de la chanson française. Elle est bien mal en point, en 2013.



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