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Conseil Constitutionnel : le régime du droit de rétrocession est conforme à la Constitution

Publié le 15 février 2013 par Pierresurjous @p_surjous

Fotolia_38687193_XS.jpgPar une décision n°2012-292 QPC du 15 février 2013 le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantissant le droit de propriété, l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation qui encadre le droit de rétrocession reconnu à l’exproprié.


Les faits à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité posée aux sages de la rue Montpensier, débutent en 1995 dans la commune de Quillan (Aude), laquelle a poursuivi une procédure d’expropriation pour la réalisation d’une base nautique, ayant abouti à l’expropriation et à l’indemnisation du propriétaire du terrain.

La base nautique n’ayant jamais été réalisée, l’ancienne propriétaire du terrain a entendu mettre en œuvre le droit de rétrocession prévu à l’alinéa 1er de l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation, lui permettant de retrouver la propriété de son bien, en en payant le prix, dès lors que celui-ci n’a pas reçu, dans un délai de 5 ans, la destination qui avait motivé l’expropriation intervenue.

Selon l’alinéa 1er de l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation :

« Si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique ».

Cependant, devant le Tribunal de Grande Instance, la commune a pu faire échec au droit de rétrocession invoqué par l’ancienne propriétaire du bien, par la réquisition d’une nouvelle déclaration d’utilité publique en 2003.

La commune se fondait expressément sur la fin de l’alinéa 1er de l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation, selon lequel le droit de rétrocession ne joue pas si une nouvelle déclaration d’utilité publique est requise, et ce, même au-delà des cinq ans (Cass. Civ 3ème, 17 mars 1999, pourvoi n°98-14751) et même si cette réquisition est postérieure à la demande de rétrocession (Cass. Civ 3ème, 26 novembre 1965, pourvoi n°63-13099).

Au terme de ce contentieux, l’ancienne propriétaire, a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, faisant valoir une atteinte au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, du fait que la rédaction de l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation permet à l'expropriant de faire échec au droit de rétrocession de l'exproprié par la seule réquisition d'une nouvelle déclaration d'utilité publique, sans que cette faculté soit limitée en nombre ou dans le temps, ni même que cette réquisition soit suivie d'une déclaration d'utilité publique (voir la décision de renvoi au Conseil constitutionnel : Cass. Civ 3ème, 27 novembre 2012, pourvoi n°12-40070).

Le moyen invoqué par la requérante était celui de l’incompétence négative du législateur pour défaut d’encadrement légal de la possibilité de faire échec au droit de rétrocession, corollaire du droit de propriété dans le contexte d’une procédure d’expropriation.

En effet, en l’état du droit, si la seule réquisition d’une nouvelle déclaration d’utilité publique suffit à empêcher la rétrocession, il n’est pas prévu un délai de réponse, au-delà duquel le silence du préfet sera considéré comme une décision implicite de rejet de déclarer l’utilité publique du projet, aucun cadre temporel ne limitant par ailleurs la possibilité pour l’expropriant de requérir une nouvelle déclaration d’utilité publique.

En l’espèce, la réquisition d’une nouvelle déclaration d’utilité publique présentée en 2003, n’a fait l’objet d’une décision explicite de rejet du Préfet de l’Aude qu’en 2009…

Ainsi, dans le silence des textes, il n’est pas garanti que si, à la suite de la réquisition d’une nouvelle déclaration d’utilité publique, ouvrant un nouveau délai de rétrocession de 5 ans, aucune déclaration d’utilité publique n’est prise dans ce délai ou si celle-ci a été rejetée, l’expropriant ne puisse pas, de nouveau, faire échec au droit de rétrocession, en requérant, une fois de plus, une nouvelle déclaration d’utilité publique.

En dépit de ces arguments qui ont au moins convaincu la Cour de cassation du caractère sérieux de la question posée, le Conseil Constitutionnel considère que les dispositions contestées de l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation ne sont pas contraires à la Constitution.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel s’est semble-t-il montré sensible au fait que la nouvelle déclaration d’utilité publique « peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative compétente ».

En effet, le Conseil d’Etat annule les déclarations d’utilité publique ayant pour seul objet d’empêcher l’exercice, par les anciens propriétaires, de leur droit de rétrocession (Conseil d'Etat, 12 mai 2004, Département des Alpes-Maritimes, req. n°253586).

Il incombe donc au juge administratif de limiter la pratique abusive des déclarations d’utilité publique et, semble-t-il également, des réquisitions de déclaration d’utilité publique, prises aux seules fins de tenir en échec le droit de rétrocession des propriétaires expropriés.

L'autre enseignement, ou confirmation, est que le droit de rétrocession d'un bien exproprié ou préempté ne se voit pas reconnaître en lui-même une valeur constitutionnelle.

« 5. Considérant que, par les dispositions du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le législateur a entendu fixer les garanties légales de nature à satisfaire aux exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'il en va notamment ainsi des dispositions du chapitre Ier relatives à l'enquête publique et à la déclaration d'utilité publique ; que cette déclaration peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative compétente ; qu'en instaurant le droit de rétrocession, le législateur a entendu renforcer ces garanties légales assurant le respect de l'exigence constitutionnelle selon laquelle l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut-être ordonnée que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée ;

6. Considérant qu'en prévoyant que la réquisition d'une nouvelle déclaration d'utilité publique permet à elle-seule de faire obstacle à une demande de rétrocession formée par l'ancien propriétaire ou ses ayants droit, le législateur a entendu fixer des limites à l'exercice du droit de rétrocession afin que sa mise en oeuvre ne puisse faire obstacle à la réalisation soit d'un projet d'utilité publique qui a été retardé soit d'un nouveau projet d'utilité publique se substituant à celui en vue duquel l'expropriation avait été ordonnée ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les exigences constitutionnelles résultant de l'article 17 de la Déclaration de 1789 »

Lire la décision


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