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[poètes] [Carte blanche] Dossier Valerio Magrelli, par J. Charles Vegliante

Par Florence Trocmé

Pour présenter Valerio Magrelli (dans un pays qu’il connaît bien)  

Valerio Magrelli, né à Rome en 1957, a reçu une formation en philosophie, musicologie et français, entre autres à la Sorbonne Nouvelle - Paris 3, où il participa à l’anthologie Le Printemps italien proposée par J.-Ch. Vegliante (Action Poétique) dès 1977. Ses premiers poèmes avaient paru peu avant dans la revue de Pagliarani “Periodo Ipotetico” à Rome. Sa thèse de Littérature française, 1989, est publiée chez Pacini (Pise) en 1995 : La casa del pensiero, Introduzione all’opera di Joseph Joubert. Il travaille aussi sur Dada et traduit beaucoup du français. Enseignant-chercheur, il est nommé Maître de Conférences à l’Université de Florence en 2000, puis Professeur à celle de Cassino.  
Auteur précoce mais à la voix d’emblée parfaitement sûre, marquant un renouveau dans la poésie italienne du second après-guerre – ainsi qu’Enzo Siciliano l’avait aussitôt proclamé –, son premier recueil Ora serrata retinae (Feltrinelli, 1980), dont la section centrale “Rima palpebralis” avait été anticipée dans les publications de 1977 rappelées ci-dessus, trouve sa version définitive (avec un texte soulignant aussi sa composante biographique) huit ans après, alors qu’un deuxième recueil, Nature e venature (Mondadori) vient confirmer sa place de tout premier rang parmi les nouvelles voix italiennes. Chez le même éditeur, Esercizi di tiptologia (1992) impose enfin cette écriture singulière, renouant avec la “pensée-en-poésie” d’un Leopardi, le modernisme des sciences du vivant en plus : une posture que le lyrisme et le flou hermétique du premier XXe siècle avait un peu fait oublier, non moins que les avatars les plus naïfs du réalisme, auxquels notre réception française a fait souvent la part belle. De nouveaux poèmes complètent la reprise de cet ensemble dans le volume Poesie 1980-1992, e altre poesie chez Einaudi, en 1996. Disponibles, des traductions françaises de Bernard Simeone et J.Y. Masson le font mieux connaître de ce côté des Alpes. 
Valerio Magrelli a dirigé chez Einaudi la collection “Écrivains traduits par des écrivains” trilingue, et a publié un certain nombre d’essais, sur Valéry et autres. Il est connu aussi, désormais, comme auteur de proses, dont Nel condominio di carne (Einaudi, 2003), La vicevita. Treni e viaggi in treno (2009), Il Sessantotto realizzato da Mediaset (2011) – de vaste retentissement dans les dernières années du berlusconisme (du reste, d’autres livres comme Le Campe al Castello d’Ugo Piscopo affrontent à cette même date ce type de question) –, ou récemment l’extraordinaire Geologia di un padre (Einaudi, 2013), dont sont tirés les textes ici traduits. L’aspect novateur de ce dernier livre tient moins dans son caractère de prosimètre (selon l’archi-modèle dantesque de la Vie nouvelle), à la tradition assez affirmée, que dans l’utilisation d’un humour tout britannique, d’une grande humanité, au sein même des régions les plus intimes et douloureuses du rapport de transmission générationnelle (et, si l’on peut dire, comportementale), avec un regard tourné certes vers le passé des géniteurs – l’on songe au long roman familial en vers La Camera da letto d’Attilio Bertolucci, ou aux chroniques plus modestes, villageoises cette fois, d’un Angelo Australi –, mais aussi vers le futur des propres enfants, en bonne logique de la “vie réelle” et de la transmission que l’écriture, en particulier traductive, dit de façon fine et plurielle. C’est cette dernière composante, ou modulation, qui soustrait l’oeuvre au magistère sensible de Pascoli, cet immense poète trop peu traduit, que Magrelli aime et reconnaît parmi les siens. C’est aussi, semble-t-il, la seule façon de ne pas dénaturer – par exemple en le dramatisant – notre rapport essentiel au(x) disparu(s). Voilà ce que montrent magnifiquement ces poèmes, isolés de leur entourage romanesque avec l’accord amical de l’auteur. 
[J.-Charles Vegliante] 


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