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[notes sur la création] George Steiner

Par Florence Trocmé

« Toute ma vie j'ai senti qu'il y avait un abîme entre le créateur et le meilleur des interprètes ; que le commentaire, même le plus inspiré, est parasitaire comparé au mystère de la création. Un mystère auquel nous ne comprenons rien, en dépit de toutes les espérances que nous mettons dans les explications psychologique ou neurologique. Qu'est-ce qui provoque chez la femme et l'homme le déclic de l'absolu qui permet de créer des personnages bien plus vivants que nous : Phèdre, Falstaff, Hamlet, Bérénice ? Des personnages à côté desquels nous paraissons de bien pâles copies ? Qu'est-ce qui peuple le réel de fictions ? Qu'est-ce qui rend les paysages d'un grand peintre plus agréables à regarder, plus convaincants que la photographie (et j'admire la photographie) ? Qu'est-ce qui fait que Claude Lévi-Strauss a mille fois raison quand il dit : "Invention de la mélodie, mystère suprême des sciences de l'homme" ? On prétend que pour satisfaire un ténor vaniteux Verdi a composé La Donna è mobile au troisième acte de Rigoletto (1851) et que, dès le lendemain, il n'y avait pas un orgue de barbarie qui ne l'ait joué dans toute l'Europe. Comment cela arrive-t-il ? Nous n'en savons rien. » 
George Steiner, entretien, Le Monde, supplément Culture et idées, samedi 11 mai 2013, Propos recueillis par Nicolas Weill 


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