Magazine Culture

Les 70 ans de l'éditeur José Corti

Par Florence Trocmé

José Corti, 1939-2008 : 70 ans d’édition

À un certain moment, un livre
est une chose qui intercepte la lumière

Corti001 Cette citation de Macadonio Fernández, le lecteur la retrouvera page 22 du gros carnet (64 pages) édité par les éditions José Corti à l’occasion du 70ème anniversaire de la maison d’édition et de la librairie ; c’en est une parmi presque une centaine d’autres. Ce qui ne fait pas de doute, ce sont les aptitudes qu’avait José Corti à comprendre quand un manuscrit interceptait la lumière… Lire le catalogue (p. 41 à 60), année par année, de ce qu’il a publié, et à sa suite Bertrand Fillaudeau, puis Fabienne Raphoz, c’est reconnaître une exigence sans faille, le souci de ne jamais céder à la facilité.
Suivons sommairement les premières années des éditions. José Corti publie en 1938 Au château d’Argol, d’un inconnu, Julien Gracq, dont on sait qu’il restera toute sa vie fidèle à la maison ; la même année sortent les Œuvres complètes de Lautréamont, Le Géranium ovipare de Georges Fourest (du même, en 1945, La Négresse blonde ; l’un et l’autre trop ignorés aujourd’hui), Déraisons d’être de Georges Henein. Je n’ai pas retenu tous les titres. En 1939, ce seront Albert Béguin et son indispensable L’Âme romantique et le rêve, et le Lautréamont de Bachelard. De 1940 à 1945, Lewis Carroll, André Ady, Nerval, Coleridge, Valéry, William Blake, Baudelaire, La Motte-Fouqué, Walpole, René Char, José Corti, Maurice de Guérin, Gracq encore, et pour les essais Bachelard, Blanchot, Béguin, Jean Pommier, à quoi l’on ajoutera la correspondance de Claude Debussy. Ces auteurs, aujourd’hui presque tous en poche, n’étaient pas courus, loin de là, exception faite de Valéry. Cet esprit de découverte sans concession du fondateur est demeuré présent. Les publications sont maintenant partagées dans plusieurs collections, nées depuis la fin des années 1980, et l’on retient en 2007, pour ne regarder que la série "littérature étrangère", Israël Eliraz, John Muir, Wallace Stevens et Andrea Zanzotto.
On sait que la couverture de chaque livre édité porte dans sa partie inférieure une rose des vents avec en son centre J et C, au-dessus et dessous la devise Rien de commun. Devise fière d’un homme entier qui raconte dans son livre de souvenirs, Souvenirs désordonnés (désormais en 10/18) pourquoi il l’a choisie pendant l’occupation allemande. Devise à réinterpréter aujourd’hui, puisqu’elle définit assez justement la manière dont les continuateurs de José Corti comprennent leur travail d’éditeur ; citons, c’est une belle leçon :

Dès lors qu’un auteur construit une œuvre et quel que soit le résultat commercial, l’éditeur doit être ce lieu d’accueil, ce havre où l’écrivain sait qu’il sera entendu et compris, la boucle sera ainsi bouclée idéalement : l’éditeur suivant une ligne éditoriale qui permet à chaque livre d’entrer en résonance avec d’autres, l’auteur ayant une chambre d’échos à construire.

Que peut-on ajouter ? La brochure anniversaire rappelle sommairement l’histoire des éditions, décrit la naissance des diverses collections (la dernière, Les Massicotés : ce nom renvoie évidemment au fait que les livres des éditions José Corti ne sont pas massicotés – plaisir du coupe-papier !), propose le portrait d’un certain nombre d’auteurs et des photos de la librairie, 11 rue Médicis, face au Jardin du Luxembourg. Rien d’autre à souhaiter que le travail exemplaire des éditions se poursuive, comme celui d’autres éditeurs à l’écart des groupes financiers.

N. B. : Le carnet est offert par les libraires qui présentent le fonds des éditions José Corti.

Contribution de Tristan Hordé

À noter :
Mercredi 28 mai : Soirée Corti chez Ombres Blanches à Toulouse.
Vendredi 6 juin à 19h30 : Soirée Corti à la Librairie Massena à Nice.

Parutions avril-mai 2008 :
Claude Lecouteux, Elle courait le garou (Anthologie)
Thomas Carlyle, Sartor Resartus
Laurent Demanze, Encres orphelines
Emily Dickinson, Y aura-t-il pour de vrai un matin ?
Patrick Watteau, Essai d'héréticité


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