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[note de lecture] Werner Lambersy, "L'Assèchement du Zuiderzee" et "Opsimath", par Jacques Morin

Par Florence Trocmé

 
ZuiderzeeC’est le quatrième livre de Werner Lambersy aux éditions Rhubarbe, et le second dont le titre s’attache à un lieu déterminé (après Achil island note book). Tout un pan du recueil tournera autour de cette donnée de base, sur zone, avec ce qui est lié au souffle de la mer, au travail des digues et à cet arrachement de la terre, ce sauvetage du sol contre la fatalité marine et cette prouesse de l’homme. On est forcément sensible à ce thème du no man’s land, de la frontière impossible entre éléments contraires, paradoxe concret du polder. Il est souvent question aujourd’hui de poésie sans image, avec Werner Lambersy, à l’inverse, on pourrait inventer le concept inverse : la poésie tout images ! La métaphore, chez lui, n’est pas une simple figure de style, c’est le moteur de sa poésie et de son écriture. Ainsi le thème de la mer au sens large est-il déjà omniprésent dès le titre, le second qui vient s’enlacer aussitôt, très présent chez le poète est celui de la femme, dans son approche à la fois amoureuse et érotique. De la sorte, avec ces deux axes déjà, toutes sortes de translations sont possibles que Werner tresse à l’envi. 
 
L’ombre calfate ta lèvre  
Carène tes cils … 
  
Ou bien 
 
Le héron de  
Tes lacustres jambes… 
 
D’autres thèmes récurrents viennent se marier aux deux précédents : la nuit, le jour, le ciel… qui forment l’extérieur immédiat et sensible, et la mort, l’âge, le temps… qui constituent l’interne palpitant et métaphysique. 
  
Quand tourne  
Et retourne la cuillère  
Dans la tasse  
Presque vide des soirs  
 
Ce qui étonne chaque fois demeure la facilité qu’a le poète à assembler ces différents fils autour d’une même grâce. 
  
Le bec  
De lièvre du crépuscule  
De l’aube  
S’ouvre  
Sur les canines du soleil…
 
 
Vers la fin du livre, on peut lire aussi un poème-définition dont je ne donne que la première partie : Il y a trois sortes / De poètes // ceux qui parlent / Aux mots // Ceux à qui / Les mots parlent // Et ceux qui sont / Les mots… Inutile de préciser à quelle catégorie appartient Werner Lambersy ! 
 
OpsimathL’amour / la mort et l’effroi / aux caudales de vahinés…  
Dans le livre chez Vincent Rougier, on retrouve la même plume simple et complexe de l’auteur. Ce style à la fois limpide et raffiné où se croisent semblables rêveries écarquillées sur le porte-poèmes et le monde qui l’éblouit alentour. Les images tombent comme à Gravelotte. Le lecteur les guette, ahuri, attendri, émerveillé. Celle-ci laissepantois : Les étourneaux / sont les bancs de morues de / l’automne. Il faut souligner les petits livrets très soignés des éditions Vincent Rougier qui publie par ailleurs la collection-revue Ficelles. Opsimath serait le livre de l’expérience, le poète ayant accumulé ses munitions bariolées et baroques les restitue avec prodigalité.  
 
 Puis le ciel  
 Passe et repasse  
 Le rabot d’or du soleil  
 Et il pleut  
 Des copeaux d’ombres…  
 
[Jacques Morin]
 
L’assèchement du Zuiderzee, Rhubarbe, 2013,  13 € 
Opsimath, Rougier, 2013, 18 €


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