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[note de lecture] Jacques Estager, Jean-Luc Meyssonnier, "Douceur", par Chantal Dupuy-Dunier

Par Florence Trocmé

 
 
Douceur_Jacques_Estager_1Le dernier recueil de Jacques Estager « Douceur », bel objet paru aux éditions Lanskine, est né d’une collaboration avec le photographe Jean-Luc Meyssonnier.  
Il apparaît comme une pièce musicale dans laquelle les mots sont en noir et blanc comme les photographies ou des notes sur une portée. Les mots-clés sont « nuit » et « jour », avec toujours ce contraste entre obscurité et clarté : « Je suis sorti du chemin creux, du travers des ornières / et de l’image et de la lumière et dans le jour et d’avant l’image / je suis resté là, un temps noir / et là, ma pierre, dans le jour d’avant la lumière. » 
Les photos de Jean-Luc Meyssonnier utilisent les superpositions. Le travail de Jacques Estager adopte une technique similaire : la litanie, qui donne à l’ouvrage un rythme lancinant et magique. 
 
Le poète évoque souvent « la chambre de Douceur » qui n’est pas sans faire penser à la chambre noire nécessaire au développement des négatifs, au surgissement de l’image. 
Jacques Estager utilise une syntaxe inventée, qui lui est propre : « figure noire moi d’arbre et d’ombre et blanche et de moi », « tout s’écoule se demeure des feuilles et des oiseaux n’y volent ». 
« Douceur »… Le titre, le mot est banal, mais seulement en apparence. « Douceur », avec une majuscule, serait-il le « Douve » de Jacques Estager ? Que désigne ce vocable ? D’où sort ce mot, ce nom ? Douce, mais aussi heurt qui serait aussi contenu dans Douceur : « on est un peu dans l’adieu ». On assiste à un épuisement systématique du mot « Douceur », répété jusqu’à onze fois dans un poème et trois fois dans un même vers : « les jours et les jours le jour à la nuit le jour au soir / de Douceur, Douceur à Douceur. » comme si tant de douceur avait besoin d’être réaffirmée pour être vérifiée, pour que le poète puisse s’abandonner à de douces heures après de plus rudes vécues : « Retenir les doigts de Douceur, les serrer sur soi… »  
 
L’omniprésence de la nature bienveillante vient conforter cette douceur. Fleurs, arbres, oiseaux, pierres, étoiles constituent l’écrin de Douceur et rassurent le poète qui n’éprouve pas ici le besoin de signer le dernier vers de son livre par un J’ inachevé, devenu une de ses marques de fabrique. Un verbe vient se poser à la fin du recueil : « voir ». « J’ai le temps de voir » (pas de point en revanche, le livre reste ouvert). La boucle est bouclée, le regard peut s’appuyer, confiant, sur celui du photographe. 
 
 
Jacques Estager, Jean-Luc Meyssonnier, Douceur, 74 pages, 15 euros 
 
[Chantal Dupuy-Dunier] 


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