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Garantie de bon fonctionnement et éléments inertes

Publié le 22 décembre 2013 par Christophe Buffet

La garantie biennale de bon fonctionnement ne peut s'appliquer qu'à un élément qui ... fonctionne :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2012), que les époux X... ont confié la construction d'une maison individuelle à la société Coopérative des métiers du bâtiment-maisons Gradlon (société Maisons Gradlon), qui a sous-traité le lot carrelage à M. Y... ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 29 juin 1996 ; que des fissures affectant le carrelage étant apparues, les époux X... ont, après expertise, assigné la société Maisons Gradlon et M. Y... en indemnisation de leurs préjudices et que cette dernière a appelé en garantie son sous-traitant ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Maisons Gradlon fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. Y..., à payer aux époux X... la somme de 20 267,54 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant le carrelage et la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance, alors, selon le moyen, que les éléments d'équipement dissociables de l'immeuble relèvent de la seule garantie de bon fonctionnement de deux ans, à l'exclusion de la responsabilité contractuelle de droit commun ; que dès lors, en écartant le moyen soulevé en appel par la coopérative Maisons Gradlon, tendant à voir déclarer forclose, sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil, la demande des époux X..., et en condamnant l'entrepreneur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, cependant qu'elle constatait que le carrelage affecté de malfaçons était dissociable de l'immeuble, ce dont il résultait que l'action engagée par les époux X... relevait exclusivement de l'article 1792-3 du code civil et était donc forclose faute d'avoir été engagée dans les deux ans de la réception des travaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1147 du code civil par fausse application et l'article 1792-3 du code civil par refus d'application ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les désordres ne compromettant pas la solidité de l'ouvrage ni ne le rendant impropre à sa destination, affectant un élément dissociable de l'immeuble, non destiné à fonctionner, relèvent de la garantie de droit commun ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Maisons Gradlon fait grief à l'arrêt de laisser à sa charge définitive 90 % des condamnations pécuniaires prononcées in solidum contre elle et M. Y..., limitant la garantie de ce dernier à 10 %, alors, selon le moyen, que le sous-traitant est tenu, à l'égard de l'entrepreneur principal, d'une obligation de résultat de réaliser un ouvrage exempt de vices et de malfaçons, dont la seule méconnaissance suffit à engager sa responsabilité et donc l'oblige à garantir l'entrepreneur des condamnations prononcées contre ce dernier au titre de malfaçons affectant l'ouvrage sous-traité ; que dès lors, en limitant la garantie de M. Y..., sous-traitant du lot « carrelage » objet du litige, à 10 % des condamnations prononcées in solidum contre lui et l'exposante, aux motifs que l'entrepreneur est responsable de son sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage, auquel elle doit un ouvrage exempt de vice, tout en constatant par ailleurs que M. Y... avait commis une faute dans l'exécution de sa mission en omettant de réaliser des joints de fractionnement dans le carrelage des pièces du rez-de-chaussée de la maison d'habitation de M. et Mme X..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si M. Y... avait omis de réaliser des joints de fractionnement dans le carrelage des pièces du rez-de-chaussée de la maison, ce qui constituait sa faute, le défaut de surveillance de son sous-traitant, dont la société Maisons Gradlon était responsable à l'égard du maître de l'ouvrage auquel elle devait un ouvrage exempt de vice, était à l'origine dans une proportion prépondérante du préjudice qu'il avait subi, la cour d'appel a pu retenir qu'eu égard aux fautes respectives, M. Y... devait être condamné à garantir la société Maisons Gradlon de la condamnation suivant une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;



PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Maisons Gradlon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Maisons Gradlon à payer aux époux X... la somme de 3 000 euros; rejette la société Maisons Gradlon de sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Maisons Gradlon

PREMIER MOYEN DE CASSATION.

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum la coopérative MAISONS-GRADLON et Monsieur Y... à payer aux époux X... la somme de 20.267,54 ¿ au titre des travaux de reprise des désordres affectant le carrelage, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 3 juin 2009, ainsi que la somme de 2.000 ¿ au titre d'un préjudice de jouissance, assortie des mêmes intérêts, 

AUX MOTIFS PROPRES QUE "la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame Christian X... n'est plus soulevée en cause d'appel ; que la Coopérative des métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON se borne à soutenir que les premiers juges ne pouvaient fonder leur condamnation sur les dispositions de l'article 1147 du code civil alors que les désordres constatés, n'affectant ni la solidité de l'immeuble et ne le rendant pas impropre à sa destination, ne pouvaient que relever de la garantie biennale de l'article 1792-3 du code civil ; que la garantie légale spécifique prévue par cet article est exclusive de la responsabilité de droit commun de l'article 1147 du même code ; qu'en l'espèce, cette garantie était largement expirée lorsque Monsieur et Madame Christian X... ont engagé leur procédure de référé-expertise ;

(¿) qu'au regard de l'expertise diligentée par Monsieur Z..., les désordres apparus sur le carrelage de la maison d'habitation appartenant à Monsieur et Madame Christian X... et construite par la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON sont constitués par des fissures présentes sur les carrelages des différentes pièces du rez-de-chaussée ; qu'elles ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, ni ne le rendent impropre à son usage ; qu'elles affectent un élément dissociable de l'immeuble, dans la mesure où le carrelage peut être détruit sans prélever de matière sur l'ouvrage ;

que les désordres affectant un élément dissociable de l'immeuble, non destiné à fonctionner, installé dans un bâtiment, relèvent, aux termes d'une jurisprudence maintenant bien établie, de la garantie de droit commun ; que c'est de façon pertinente que les premiers juges ont reconnu la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON responsable du préjudice subi par Monsieur et Madame Christian X... du fait des désordres constatés et tels que décrits par l'expert judiciaire, après avoir relevé qu'en ayant omis de prévoir des joints de fractionnement de nature à diminuer les effets de retrait de la chape, Monsieur Eric Y..., sous-traitant de la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON, a commis une faute en lien direct avec le dommage réalisé ; que la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON était tenue envers les maîtres de l'ouvrage de réaliser une construction conforme aux règles de l'art et exempte de défauts ; qu'en s'étant abstenue d'exiger de son sous-traitant la réalisation d'un ouvrage répondant à ces conditions, elle a commis une faute à l'origine du préjudice subi par Monsieur et Madame Christian X..., dont elle leur doit réparation ; qu'il convient en conséquence de confirmer de ce chef le jugement déféré"

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'"il ressort des conclusions non contredites de l'expert judiciaire, Monsieur Z..., que les fissures présentes dans le carrelage des différentes pièces situées au rez-de-chaussée de la maison ne compromettent pas, pour l'heure, la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, puisqu'elles constituent de simples défauts esthétiques ; que la coopérative MAISONS GRADLON ne peut donc en être présumée responsable sur le fondement de la garantie décennale ;

que, selon la jurisprudence, les malfaçons génératrices d'un simple dommage esthétique sont des vices intermédiaires qui peuvent fonder une condamnation du constructeur dont la faute contractuelle est prouvée ;

que l'expertise ordonnée en référé a établi que la chape en mortier, coulée sur un support sans adhérence, à savoir un film plastique faisant partie du système du plancher chauffant, lequel peut, de surcroît, toujours selon l'expert judiciaire, être légèrement compressible, est à l'origine, compte tenu d'un phénomène de retrait différentiel, des fissurations du carrelage ;

que dans ces conditions, la responsabilité de la coopérative MAISONS GRADLON, qui ne conteste pas avoir réalisé la chape litigieuse, est clairement établie ;

qu'en négligeant de prévoir des joints de fractionnement qui, de l'avis même de l'expert judiciaire, auraient pu diminuer les effets du retrait de la chape, Monsieur Y... a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des époux X... 

S'agissant de la réparation du désordre,  les demandeurs produisent aux débats un devis de la société d'application et de rénovation (SAR), en date du 19 novembre 2007, évaluant à la somme de 20.267,54 ¿ le coût de reprise du carrelage ;



(¿) force est de constater que la société MAISONS GRADLON, qui fait valoir en réplique que ce devis n'a pas été établi contradictoirement, ne verse aucune pièce susceptible de contredire cette estimation ; 

que celle-ci sera en conséquence retenue ; 

qu'il convient de condamner un solidum la société MAISONS GRADLON et Monsieur Y... qui, par leurs fautes respectives, ont concouru à la réalisation du dommage, à payer aux époux X... la somme de 20.267,54 € avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, la demande d'actualisation sur l'indice du coût de la construction BT 01 à compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire ne pouvant être accueillie, le devis SAR étant postérieur audit rapport ;

que la reprise des désordres affectant le carrelage de toutes les pièces au rez-de-chaussée va générer un préjudice de jouissance pour les époux X..., puisque dans son devis, la SAR indique que "les pièces concernées devront être entièrement débarrassées" ;

que cette privation de jouissance et les désagréments multiples liés aux travaux dureront vraisemblablement quelques semaines ;

qu'eu égard à cet élément, il convient d'évaluer ce poste de préjudice (dont sont responsables la société MAISONS GRADLON et Monsieur Y...) à la somme de 2.000", 

ALORS QUE les éléments d'équipement dissociables de l'immeuble relèvent de la seule garantie de bon fonctionnement de deux ans, à l'exclusion de la responsabilité contractuelle de droit commun ; que dès lors, en écartant le moyen soulevé en appel par la coopérative MAISONS GRADLON, tendant à voir déclarer forclose, sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil, la demande des époux X..., et en condamnant l'entrepreneur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, cependant qu'elle constatait que le carrelage affecté de malfaçons était dissociable de l'immeuble, ce dont il résultait que l'action engagée par les époux X... relevait exclusivement de l'article 1792-3 du code civil et était donc forclose faute d'avoir été engagée dans les deux ans de la réception des travaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1147 du code civil par fausse application et l'article 1792-3 du code civil par refus d'application.

SECOND MOYEN DE CASSATION.

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir laissé à la charge définitive de la coopérative des métiers du bâtiment-MAISONS GRADLON 90 % des condamnations pécuniaires prononcées in solidum contre elle et Monsieur Y..., limitant la garantie de ce dernier à 10 %,

AUX MOTIFS PROPRES QUE "c'est de façon pertinente que les premiers juges ont reconnu la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON responsable du préjudice subi par Monsieur et Madame Christian X... du fait des désordres constatés et tels que décrits par l'expert judiciaire, après avoir relevé qu'en ayant omis de prévoir des joints de fractionnement de nature à diminuer les effets de retrait de la chape, Monsieur Eric Y..., sous-traitant de la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON, a commis une faute en lien direct avec le dommage réalisé ; que la Coopérative des Métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON était tenue envers les maîtres de l'ouvrage de réaliser une construction conforme aux règles de l'art et exempte de défauts ; qu'en s'étant abstenue d'exiger de son sous-traitant la réalisation d'un ouvrage répondant à ces conditions, elle a commis une faute à l'origine du préjudice subi par Monsieur et Madame Christian X..., dont elle leur doit réparation ; qu'il convient en conséquence de confirmer de ce chef le jugement déféré;

Sur le partage des responsabilités.

au regard de la faute commise par Monsieur Eric Y..., qui a omis de réaliser des joints de fractionnement dans le carrelage des pièces du rez-de-chaussée de la maison d'habitation de Monsieur et Madame Christian X..., c'est de façon pertinente que les premiers juges ont reconnu qu'il devait garantie des condamnations prononcées à l'encontre de la coopérative des métiers du Bâtiment-Maisons GRADLON à hauteur de 10 %, dès lors que le défaut de surveillance de son sous-traitant, dont elle est responsable à l'égard du maître de l'ouvrage auquel elle doit un ouvrage exempt de vice, est à l'origine, dans une proportion prépondérante, du préjudice qu'il a subi ; qu'il convient de confirmer également de ce chef le jugement attaqué"

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE " que l'expertise ordonnée en référé a établi que la chape en mortier, coulée sur un support sans adhérence, à savoir un film plastique faisant partie du système du plancher chauffant, lequel peut, de surcroît, toujours selon l'expert judiciaire, être légèrement compressible, est à l'origine, compte tenu d'un phénomène de retrait différentiel, des fissurations du carrelage ;

que dans ces conditions, la responsabilité de la coopérative MAISONS GRADLON, qui ne conteste pas avoir réalisé la chape litigieuse, est clairement établie ;

(qu'en négligeant de prévoir des joints de fractionnement qui, de l'avis même de l'expert judiciaire, auraient pu diminuer les effets du retrait de la chape, Monsieur Y... a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des époux X... "

ET QUE " dans les rapports entre la société MAISONS GRADLON et Monsieur Y..., il convient de dire que la première supportera 90 % des indemnités alloués aux époux X..., et le second 10 %", 

ALORS QUE le sous-traitant est tenu, à l'égard de l'entrepreneur principal, d'une obligation de résultat de réaliser un ouvrage exempt de vices et de malfaçons, dont la seule méconnaissance suffit à engager sa responsabilité et donc l'oblige à garantir l'entrepreneur des condamnations prononcées contre ce dernier au titre de malfaçons affectant l'ouvrage sous-traité ; que dès lors, en limitant la garantie de Monsieur Y..., sous-traitant du lot "carrelage" objet du litige, à 10 % des condamnations prononcées in solidum contre lui et l'exposante, aux motifs que l'entrepreneur est responsable de son sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage, auquel elle doit un ouvrage exempt de vice, tout en constatant par ailleurs que Monsieur Y... avait commis une faute dans l'exécution de sa mission en omettant de réaliser des joints de fractionnement dans le carrelage des pièces du rez-de-chaussée de la maison d'habitation de Monsieur et Madame Christian X..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil."


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