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Solaire / Délai de trois mois de transmission de la PTF : arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 2014

Publié le 13 janvier 2014 par Arnaudgossement

courcassation.jpgObligation de moyen ou obligation de résultat ? L'arrêt rendu ce 7 janvier 2014 par la Cour de cassation, qui se borne à confirme à confirmer la régularité de l'arrêt rendu le 8 novembre 2012 par la Cour d'appel de Paris, n'apporte pas de précision nouvelle sur la nature exacte de l'obligation du gestionnaire de réseau de distribution dans le respect du délai de transmission d'une proposition technique et financière de raccordement. Une obligation qui demeure une obligation de moyen, non de résultat.


La Cour de cassation a simplement confirmé l'analyse de la Cour d'appel de Paris selon laquelle, ErDF est susceptible de méconnaître sa propre documentation technique de référence en transmettant une PTF au-delà du délai de trois mois. 

Reste que la Cour d'appel de Paris avait explicitement qualifiée l'obligation d'ErDF d'obligation de moyen - et non de résultat - et ne s'était pas prononcée sur son caractère de "faute". Le débat reste à mener devant les juridictions saisies de demandes indemnitaires de la part des producteurs victimes du moratoire (notamment). 

La décision du CoRDIS du 26 septembre 2011

Par une décision en date du 26 septembre 2011 le Comité de règlement des différends et de sanction (CoRDIS) de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a statué sur une demande présentée par le GAEC de S.

Selon la décision, celui-ci considérait

"qu'en ne lui transmettant pas d'offre de raccordement dans les délais impartis, la société ERDF a commis une faute et violé son obligation résultant de l'article 8.2.1 de la « procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA au réseau public de distribution géré par ERDF », identifiée « ERDF-PRO-RAC-14-E », lequel précise que le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement d'une proposition technique et financière n'excèdera pas trois mois à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, quel que soit le domaine de tension de raccordement".

En résumé, ErDF avait dépassé le délai de trois mois et le demandeur souhaitait voir reconnu la faute de ce gestionnaire de réseau. Après avoir admis sa compétence pour statuer sur ce litige, le CooRDIS a admis, non l'existence d'une "faute" mais celle d'une méconnaissance" par ErDF de sa propre documentation technique de référence qui fait état d'un délai de trois mois.

La décision du CorDIS, qui s'inscrit dans une longue liste de décisions du même type, précise en effet :

"Sur la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations contractuelles et réglementaires, et de sa documentation technique de référence :
Le GAEC de S. demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF a méconnu ses obligations contractuelles et réglementaires, tout comme sa propre documentation technique de référence.
La procédure de traitement des demandes de raccordement susvisée, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit en son article 8.2.1 qu'à « compter de la date de qualification de la demande de raccordement le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d'installation concernée. Ce délai n'excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement ».
Il ressort des pièces du dossier que la proposition technique et financière n'a pas été notifiée, dans le délai de trois mois, par la société ERDF au GAEC de S., ce qui constitue une méconnaissance par la société ERDF de sa documentation technique de référence qui prévoit sa transmission dans un délai qui « n'excédera pas trois mois ».
Qui plus est, la société ERDF reconnaît que la proposition technique et financière n'a pas été envoyée au GAEC de Saint-Doué en raison de l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil.
Or, la publication du décret du 9 décembre 2010 n'est intervenue que le 10 décembre 2010 et, jusqu'à cette date, la société ERDF n'était pas en droit de retarder l'envoi de la proposition technique et financière.
A ce double titre, le GAEC de Saint-Doué est fondée à invoquer la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations et de sa documentation technique de référence.

Le CorDIS est donc compétent pour constater, non l'existence d'une faute mais celle d'une "méconnaissance" par le gestionnaire de réseau de sa documentation technique de référence. Reste donc à savoir si cette méconnaissance correspond à un simple constat d'ordre factuel ou, au-delà à la violation d'une violation d'une obligation, soit de moyen, soit de résultat dans le respect du délai de transmission de la PTF dans les trois mois. 

Sur ce point, rappelons que la CorDIS, par une précédente décision en date du 22 juin 2011, avait pris soin de préciser :

"Aucune obligation de résultat, quant au respect de ce délai, n'est mise à la charge de la société ERDF".

En conséquence, le CORDIS avait précisé qu'aucune PTF acceptée ne peut naître du silence gardé pendant plus de trois mois par ERDF :

"Le non-respect du délai maximum de trois mois pour la remise d'une proposition technique et financière par la société ERDF, si regrettable qu'il soit, ne permet pas, dans le silence des textes, d'affirmer qu'à l'expiration de ce délai naît une proposition technique et financière implicite susceptible d'être acceptée par le pétitionnaire candidat au raccordement."

L'obligation de transmission de PTF méconnue par ErDF demeure une obligation de moyen, aux termes de cette décision du CoRDIS. Ce qui ne signifie pas que la méconnaissance de cette obligation de moyen ne puisse pas être qualifiée de faute par une juridiction saisie d'une demande indemnitaire.

L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 novembre 2012

ErDF a formé un recours en annulation/réformation de cette décision du CoRDIS. Par arrêt du 8 novembre 2012, la Cour d'appel de Paris a rejeté ce recours, confirmant ainsi la régularité de la décision du CoRDIS.

Après avoir admis la compétence du CoRDIS pour statuer sur ce litige, la Cour d'appel de Paris s'est prononcée sur la question de la méconnaissance par ERDF du délai de trois mois précité. L'arrêt précise ici : 

"Qu'en outre, ce délai [de trois mois] n'est pas prescrit dans les textes à peine de nullité; qu'il n'induit aucune obligation de résultat en ce qu'il ne fait naître aucune décision implicite du gestionnaire; que, partant, la méconnaissance de ce délai ne saurait caractériser aucune irrégularité de la procédure de demande de raccordement et le moyen selon lequel la décision du CoRDIS serait contraire à la légalité en raison de l'absence de caractère impératif du délai de trois mois sera écarté".

Plus loin, l'arrêt précise en outre :

"Considérant que le délai de trois mois dont s'agit n'est par principe qu'un délai maximun laissé au gestionnaire de réseau pour examiner les demandes de raccordement, puisqu'il n'a ni pour objet ni pour effet, de faire naître une décision; que par suite, une proposition technique et financière peut être communiquée au producteur et acceptée par lui avant l'expiration de ce délai et le décret dont s'agit ne saurait avoir aucun effet sur le constat de la méconnaissance par ErDF de son obligation de communiquer une proposition technique et financière dans le délai en cause dès lors que la publication de ce décret n'est intervenue, ainsi que son entrée en vigueur, que 9 jours après l'expiration du délai de trois mois considéré".

L'obligation de transmission de la PTF au producteur dans un délai de trois mois ne constitue qu'une obligation de moyen, pour la Cour d'appel de Paris. Une analyse qui n'est pas remise en question par la Cour de cassation.

L'arrêt du 7 janvier 2014 de la Cour de cassation.

L'arrêt qui procède au rejet du pourvoi précise :

"(...) aprés avoir constaté que le GAEC n'avait reçu aucune PTF, la cour d'appel a retenu que la société ERDF avait manqué à l'obligation qui s'imposait à elle, en vertu de l'article 8.2.1. de sa documentation technique de référé, de transmettre une telle proposition dans un délai n'excédant pas trois mois; qu'ayant ainsi constaté un manquement de la société ErDF susceptible, sous réserve de l'application du décret du 9 novembre 2010 de fonder la demande du GAEC, la cour d'appel a pu rejeter le moyen faisant grief au Cordis d'avoir constaté un tel manquement"

La Cour de cassation juge donc que la cour d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en "constatant" un "manquement" à une obligation.

Obligation que ladite Cour d'appel avait qualifié sans être contredite par la Haute juridiction, d'obligation de moyen. 

Arnaud Gossement

Selarl Gossement Avocats


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