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La protection d’une œuvre de l’esprit : le juge s’emmêle les pinceaux !

Publié le 27 janvier 2014 par Gerardhaas

pret-à-porter haas avocatsUne société titulaire de droits d’auteur sur un dessin utilisé pour des vêtements a découvert qu’une enseigne de prêt-à-porter offrait à la vente une collection de vêtements dans un tissu reproduisant le « coup de pinceau » de son dessin. Elle a assigné en contrefaçon la société exploitant l’enseigne sur le fondement de l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 4 décembre 2013, va pourtant rejeter cette action dans un raisonnement en deux temps dont la logique est contestable.

La Cour d’appel va, dans un premier temps, se livrer à la recherche de l’originalité du dessin puisque le succès de l’action en contrefaçon du droit d’auteur est subordonné à la condition que la création soit empreinte de la personnalité de l’auteur.

Il est communément admis que cet examen de l’originalité repose sur une appréciation d’ensemble de la création. Si certains des éléments d’un dessin sont déjà connus et appartiennent au fonds commun de la peinture abstraite, leur combinaison peut toutefois être originale dès lors que leur agencement « confère à ce dessin une physionomie singulière, distincte de celle des autres dessins du même genre, qui traduit un effort créatif et procède d’un parti-pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur ».

L’originalité de l’œuvre peut donc s’exprimer dans son ensemble, et non dans ses éléments pris isolément. En l’espèce, le dessin présente des bandes horizontales de largeur et de longueur variables. Ces éléments, pris isolément, n’ont rien d’original mais le « coup de pinceau », qui réside dans le « flou artistique qui se dégage de l’agencement subtil du tracé », porte bien l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La Cour va, dans un second temps, comparer le dessin protégé par le droit d’auteur avec le dessin litigieux afin de déterminer s’il y a une contrefaçon. Elle va alors relever que ce dernier ne reproduit pas les éléments créant l’effet « coup de pinceau » et écarter la contrefaçon.

Elle considère ainsi que la contrefaçon d’une œuvre de l’esprit est réalisée non pas au regard d’une impression d’ensemble ressemblante mais à raison de la reprise des caractéristiques essentielles qui sont au fondement de l’originalité.

Cette solution est d’une logique qui n’est qu’apparente. Il faut en effet relever le paradoxe qui consiste d’abord à accorder une protection sur l’ensemble de la création et ensuite à n’examiner que les ressemblances avec ses éléments originaux pris isolément.

Cette solution revient à dire que seuls les éléments originaux pris isolément bénéficient d’une protection au titre du droit d’auteur. La Cour, en procédant d’abord à un examen de l’originalité très souple pour ensuite apprécier la contrefaçon de façon stricte, ne fait que revenir sur ses pas.

La protection de la combinaison d’éléments connus ne serait donc qu’un leurre…


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