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La structure du système irlandais d’enseignement primaire...

Publié le 30 janvier 2014 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti

La structure du système irlandais d’enseignement primaire durant les années 1970 n’a pas permis de protéger une élève contre les abus sexuels commis sur elle par un enseignant
Dans son arrêt de grande chambre, définitif, rendu le 28 janvier 2014 en l’affaire O’Keeffe c. Irlande  la Cour européenne des droits de l’homme conclut
par 11 voix contre 6:
-à la violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme à raison d’un manquement de l’État irlandais à son obligation de protéger Mme O’Keeffe contre les abus sexuels dont elle a été victime
-à la violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention à raison de l’impossibilité pour la requérante de faire reconnaître ce manquement par les juridictions nationales, et
à l’unanimité, à la non-violation de l’article 3 de la Convention quant à l’enquête menée sur les allégations de Mme O’Keeffe concernant les abus sexuels subis par elle au sein de son école.
L’affaire concerne la question de la responsabilité de l’État pour les abus sexuels commis par un enseignant laïc sur une élève, alors âgée de neuf ans, dans une école nationale (National School) en Irlande en 1973.
La Cour estime que la protection des enfants contre les mauvais traitements constitue une obligation inhérente à la mission d’un État, en particulier dans le contexte de l’enseignement primaire.

Or, cette obligation n’a pas été remplie par l’État irlandais. Dès avant les années 1970 en effet, celui-ci avait été informé de l’existence d’abus sexuels commis par des adultes sur des enfants,notamment en raison du nombre important de poursuites diligentées pour de tels faits. L’État a néanmoins continué à confier la gestion de l’enseignement primaire dispensé à une vaste majorité de jeunes enfants irlandais à des institutions non publiques (les écoles nationales) sans mettre en place un dispositif de contrôle public propre à éviter le risque de perpétration de tels abus. Au contraire, les personnes souhaitant se plaindre d’enseignants étaient dissuadées de s’adresser aux autorités de l’État et orientées vers les directeurs des écoles nationales (généralement des prêtres locaux).
La Cour estime qu’un mécanisme de détection et de signalement qui a permis la perpétration de plus de 400 incidents d’abus au sein de l’école de Mme O’Keeffe sur une période aussi longue ne peut que passer pour ineffectif.
La Cour rappelle également que les jeunes enfants forment une catégorie vulnérable, et que les pouvoirs publics ont l’obligation, inhérente à leur mission, de protéger ceux-ci contre des mauvais
traitements, le cas échéant par l’adoption de mesures et de garanties spéciales.

Ce constat est d’autant plus valable dans le contexte de l’enseignement primaire, durant lequel les élèves se trouvent sous le contrôle exclusif des autorités scolaires...
En effet, un État ne peut pas se soustraire à cette obligation en déléguant celle-ci à des organismes privés ou à des particuliers.
En outre, l’État irlandais ne peut pas davantage se dégager de cette obligation en arguant – comme le fait le Gouvernement – que Mme O’Keeffe aurait pu choisir d’autres formes de scolarisation (enseignement à domicile ou inscription dans l’une des rares écoles primaires payantes).
L’enseignement primaire était obligatoire en vertu du droit national et la requérante, comme l’immense majorité des enfants en âge d’aller à l’école primaire, n’avait pas d’autre solution réaliste et acceptable que de fréquenter son école nationale locale.
+Elisa Viganotti





 

 
 

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