Magazine Poésie

[anthologie permanente] Paul de Roux

Par Florence Trocmé

Deux publications Paul de Roux : Entrevoir, suivi de Le Front contre la vitre et de La halte obscure, préface de Guy Goffette, Poésie/Gallimard n° 488, 2014, 384 p. 9,50€  et Au jour le jour 5, carnets 2000-2005, édition établie et présentée par Gilles Ortlieb, Le Bruit du Temps, 2014, 224 p., 15€ 
 
 
La pesanteur 
 
Où est la neige, où est le froid ?  
Nous savons les fruits sous la terre 
à l’état latent dans la graine 
qui dort et qui s’éveillera.  
Mais pour nous qu’est-ce que neige et froid 
– ce qui doucement conduit l’endormi 
de la feuille à la fleur, au fruit ?  
Est-ce la médiocrité qu’on remâche 
est-ce la peine qui vous point 
soudain comme un verre casse dans la main 
est-ce la mort enfin ?  
 
○ 
 
Une immense fatigue est là qui nous menace 
un jour de tout emporter – resterait le monde et ses feuillages clairs 
l’âme perdue, où perdue ? Terrible la croissance du blé 
dru, serré, crissant si la brise se lève, et l’alouette 
au plus haut du ciel s’exténue, été 
qui laisse l’âme sur les bords elle qui ne sait ni ne veut 
plus rien de tout cela que le repos à l’ombre d’un grand arbre 
et le monde autour d’elle bruissant, assourdi 
si elle écoute en lui la voix des mots 
 
                                                                             24 IV 84 
 
Paul de Roux : Entrevoir, suivi de Le Front contre la vitre et de La halte obscure, préface de Guy Goffette, Poésie/Gallimard n° 488, 2014, pp. 146 et 212 
 
 
Je brouille le monde en moi. Le chaos intérieur donne un reflet chaotique du monde. Je ne vois rien, je n’entends rien, je ne sens rien. La perte est immense. Et comme elle était modeste, la provende que je faisais à travers champs ! Quelques piécettes de l’incalculable fortune proposée. Aujourd’hui cependant, seule leur réminiscence conserve un certain éclat dans la besace du passé. La lumière, le vent, ce qui ne se stocke pas, ne s’emporte pas dans la poche, cela seul peut-être s’accorde à quelque chose de très intime, en un point où cœur, sens, esprit coïncident, se confondent.  
 
○ 
 
On vit sous cloche. Mais de temps à autre un aérolithe effleure la cloche et elle résonne : il y a un au-delà de la cloche.

 
Paul de Roux, Au jour le jour 5, carnets 2000-2005, édition établie et présentée par Gilles Ortlieb, Le Bruit du Temps, 2014, pp 80 et 90 
 
Paul de Roux dans Poezibao : 
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, Au jour le jour, extrait 3, extrait 4, extrait 5, in notes sur la poésie, ext. 6, ext. 7


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine