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CEDH: Les tribunaux allemands étaient fondés à refuser à une mère de prendre contact ou de s’informer au sujet des enfants qu’elle avait confiés à l’adoption

Publié le 06 juin 2014 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti

Dans son arrêt de chambre, non définitif1, rendu ce jour dans l’affaire I.S. c. Allemagne (requête no 31021/08), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à la majorité, qu’il y a eu :non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.Dans cette affaire, une dame S se plaignait de ne pas pouvoir contacter régulièrement les enfants dont elle est la mère biologique et qui ont été adoptés par un autre couple, ni recevoir des informations à leur sujet.La Cour confirme que le grief de Mme S. tombe sous le coup de l’article 8. On pourrait certes contester que sa relation avec les enfants – un lien de parenté biologique sans la moindre relation personnelle étroite – constitue une « vie familiale », mais cette relation concerne en tout état de cause un volet important de son identité en tant que mère biologique et donc sa « vie privée » au sens de l’article 8.La Cour est convaincue que les décisions des tribunaux allemands étaient « prévues par la loi » au sens de l’article 8. Elle relève que les dispositions pertinentes du Code civil ne confèrent aux parents biologiques aucun droit de contact avec leurs enfants. Lorsqu’ils ont interprété ces dispositions, les tribunaux allemands ont recherché – se fondant sur une jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale – si un « lien social et familial » entre les jumelles et Mme S. avait été établi, ce qui aurait donné à cette dernière le droit de les contacter pour autant que ce soit dans leur intérêt supérieur.Les juges allemands ont estimé que la durée de la période que Mme S. et les enfants avaient passée ensemble – moins de trois semaines – n’avait pu créer un tel lien. Pour ce qui est de savoir si un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts concurrents en jeu, la Cour observe que les parents adoptifs avaient donné à Mme S. une raison de croire à une adoption « semi-ouverte » et consenti verbalement au moins à un échange d’informations sur les enfants après leur adoption. Le gouvernement allemand avait fourni l’explication selon laquelle le droit national autorise un tel type d’adoption, permettant des échanges plus ou moins fréquents entre les parents adoptifs, l’enfant et les parents biologiques. Ainsi que l’indique le Gouvernement, ce type d’adoption dépend du consentement des parents adoptifs, qui ont le droit de garde et exercent l’autorité parentale dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il repose sur des déclarations d’intention qui ne peuvent être juridiquement opposées aux parents adoptifs contre leur gré.Les arrangements verbaux entre Mme S. et les parents adoptifs ont été conclus après que celle-ci eut été informée par un juriste indépendant, notaire de droit civil – dont l’avis juridique constituait une protection essentielle contre les malentendus –, des effets juridiques de son intention de consentir irrévocablement à l’adoption. Dès lors, Mme S. était censée savoir que les arrangements n’étaient que de simples déclarations d’intention des parents adoptifs de renoncer volontairement à leur anonymat.La Cour a jugé que, en consentant à l’adoption, Mme S. avait sciemment renoncé à tous ses droits sur ses enfants. La Cour estime que les décisions des tribunaux allemands poursuivaient le but légitime de la protection des droits de l’enfant. En effet, les magistrats allemands ont cherché à respecter la volonté du législateur de faire primer la relation familiale nouvellement établie entre les parents adoptifs et les enfants, de manière à permettre à ces derniers de s’épanouir au sein de leur famille d’adoption sans perturbation.La Cour a par conséquent conclu à l’absence de violation de l’article 8. +Elisa Viganotti Avocat de la famille internationale

<Pour aller plus loin: L'arrêt de la Cour (en anglais uniquement)


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