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[note de lecture] Jean-Luc Lavrille, "REMARMOR", par Alain Helissen

Par Florence Trocmé

Remarmor-de-jean-luc-lavrille « Celle qui ne connut nulle saison », dédicataire du présent ouvrage, est la sœur de Jean-Luc Lavrille, décédée en bas âge. « Ta sœur est chez les anges », lui avait dit sa mère. À partir de ce souvenir, unique réminiscence du gamin de deux ans qu’il était alors, l’auteur a entrepris une « partition du souvenir » fondée sur une réinvention de la mémoire à travers, bien sûr, l’utilisation de la langue. Et c’est la langue, précisément, qui constitue, depuis ses débuts, le chantier poétique de Jean-Luc Lavrille, ponctué de trop rares publications − mais la faute en incombe davantage aux éditeurs qu’à lui-même −. Aussi faut-il savourer sans retenue « Remarmor », « nomad’s langue » dans lequel on retrouve toute la richesse inventive de ce poète emporté dans le tourbillon d’une langue indomptable dont les mots se trouvent happés par un processus de déconstruction-reconstruction usant des sons comme du sens pour le démultiplier, le dérouter, n’hésitant pas à créer des néologismes, à couper court les vers, voire les mots, tant, écrit-il, « la langue parle à la langue ». Pas de maîtres mots ici, ni de mots maîtres de leur destinée : Jean-Luc Lavrille rejoue les Quatre Saisons sans Vivaldi ni orchestre. « Et les mots filent », soulevés ça et là par des « calembourrasques », « langue pendue haut et court », « l’ève ne ment (…) n’est pas chaud quand (…) l’excès taira… ». « Qui de même me suive » : l’invitation est lancée ! À sa petite sœur, qui « n’eut du mot qu’une idée », Jean-Luc Lavrille ouvre grand les portes de la langue. « Les mots sons du sens », c’est peut-être là le sésame de son œuvre poétique, une œuvre qui, non lyrique, fore le matériau linguistique avec ténacité et volupté, refonde la langue sans relâche. À une époque où elle subit un appauvrissement, particulièrement parmi les nouvelles générations, « Remarmor » apparaît comme une fontaine vivifiante, un endroit propice aux « motamorphoses » et, en tout cas, une invitation à venir y plonger sa langue pour lui insuffler de nouveaux rythmes, d’autres articulations, d’autres combinaisons, de nouveaux sens… 
 
[Alain Helissen] 
 
Jean-Luc Lavrille, REMARMOR, Atelier de l’agneau, 68 pages, 14€


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