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[feuilleton] Cahier AA (extraits), de Claude Minière, 1

Par Florence Trocmé

Poezibao entreprend aujourd’hui la publication d’un nouveau feuilleton qui comportera une douzaine d’épisodes, publiés les lundi, mercredi et vendredi. Il s’agit d’extraits d’un ensemble intitulé Cahier AA de Claude Minière.  
 
 
 
 
Comme une Voyante retourne les cartes et y lit que les figures passent l’une dans l’autre ou se séparent, mutant, s’influant. 
 
 
Artaud va vers le nord (Dublin), il en a assez de Marseille, la Grèce, etc.  Il en a assez de Paris, la rue Blomet ou Saint-germain des Prés…La lumière dans le Nord a une substance de vitrail, stratifiée…Joyce s’est posé à Paris, il a des soucis, peur de perdre la vue, il a le souci de Lucie, il rêve d’un grand cercle qui lui donnerait les clefs, « a way a lone a last a loved a long… » 
 
 
 
« L’art suprême est de rendre, par le truchement d’une rhétorique bien appliquée, à l’expression de notre pensée, la raideur et la vérité de ses stratifications initiales ainsi que dans le langage parlé. »  
 
 
L’Application des lectrices aux champs : « D’ici s’efface Equillemont la bleue… »  Je lisais Artaud. Peu de réception de mon livre alors, la « sémiologie » faisant rage (et ravages)… 
 
 
Le plaisir entier, c’est le chant noté : l’alliance de la voix et de la main, les syllabes se posent sur les notes, y prennent leur élan ou s’y « perchent », oiseaux… 
 
As it was in the beginning, is now, and ever shall be : world without end. 
 
Sans fin en effet, le chant à déchiffrer… 
 
Ou plutôt : un chemin pas à pas exactement, les « pieds » (comme on disait dans la métrique), rapides… 
 
La langue anglaise biblique a, pour « les vivants », the quick. 
 
Faire des pieds et des mains pour la ferveur. 
 
Le texte entre les mains monte jusqu’à la voix et s’échappe selon un invisible phylactère. 
 
Ils boivent les paroles comme du lait –  du pain de ce jour… 
 
Certainement cette naïveté paraîtra ridicule à notre époque cynique. Elle est de pure gratuité. 
 
Pour d’autres, dans l’ « assistance », elle ne sera sans doute qu’une simple parenthèse. 
 
Et pourtant : le chant noté, n’est-ce pas ce que sent dans son avant-bras celui qui écrit, ce que sentent rapidement les vivants (« the quick ») ? 
 
 
 
Un chant sur la terre, des chemins dessinés sous la paume, balayés et tracés… 
 
Hölderlin, Dichterblut : « Ton pied ne foule-t-il pas la vérité comme un tapis ? » 
 
Courage poétique, c’est bien dit, il s’agit de cela.  Oser avancer, refaire le chemin à l’aventure… 
 
 
Méthode de lecture.  Si je lis les ingrates « Pensées » de Blaise Pascal, je les estime poétiques dès lors que je les entends comme chantier. Répétitions, contradictions, des feuilles détachées… 
 
Nulle persistance, au fond, mais l’insistance même. 
Passer la main. 
 
 
 
A cet instant les notes passent par la fenêtre…. « ever shall be » 
 
Immensité dans un carnet. 
 
   (Canterbury)

© Claude Minière, [à suivre mercredi 17 septembre 2014] 
 


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