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[feuilleton] Cahier AA (extraits), de Claude Minière, 9

Par Florence Trocmé

Neuvième  épisode d’un feuilleton qui en comportera onze, publiés les lundi, mercredi et vendredi. Il s’agit d’extraits d’un ensemble intitulé Cahier AA de Claude Minière.  
 
 
   (la diction et l’addiction) 
 
 
Artaud évidemment parle autrement (et autrement bien) de la musique. Mais où 
 
 
À Rodez : « Je ne suis pas au Mexique, je suis seul, seul dans la lutte et mes angoisses propres. » 
 
 
 
 
 
Quant au théâtre : « ils n’ont plus voulu y croire parce qu’ils ont mieux aimé agir les larves du péché, d’assassinat et de guerre qui vagissent au fond de leur inconscient, – voilà longtemps que l’âme du moi humain serait guérie de la sanie sociale, de ses impuretés et de ses stupres et que des rapports de dignité équitable se seraient établis d’homme à homme, de race à race, de peuple à peuple, de nation à nation. » (1945) 
 
 
Artaud et son double : ils n’hésitent pas à s’appeler « cons ». Est-ce que le con crée ? Il produit, au sens poétique. C’est pourquoi le travail est énorme. 
 
 
 
A.A. écrit son Journal. Ce que l’on appelle des « textes de circonstance » Sauf (?) à propos du théâtre. 
 
 
Écrit-il avec des mots, des lettres ? C’est la question. Comprendrez-vous, sans préjugés et sans vous moquer, si je dis (au 21ème siècle), écrire avec l’âme 
 
 
L’âme, la diction. À propos des Mystères, sur les parvis, Artaud note que « les poèmes étaient peut-être naïfs, mais la diction était loin de l’être ». 
 
 
Dans un projet de conférence : « Toute vraie civilisation excorie l’âme ». Excorie appartient à la diction, et au déplacement. 
 
 
Parler « âme », ce n’est pas une activité extérieure, sur une question que l’on prendrait avec des pincettes, que l’on dirait du bout des dents. 
 
 
Ce n’est pas que tactique, mais aussi les temps : A.A. « manœuvre » entre le souci de faire exister sa pensée et l’insatisfaction quant aux publications. Lettre à Jean Paulhan, 1934 : « D’ailleurs je suis bien décidé dans ce sens à brûler mes vaisseaux et à considérer que tout ce qui est écrit, fixé, publié, est perdu pour la vie et pour la pensée. » Je souligne : fixé. Et il poursuit : « Et j’agirai de plus en plus en conformité avec cette croyance ». 
Il a beaucoup écrit. 
 
 
Sollers dit fort justement : l’avance d’Artaud – qui avance et se trouve en avance. 
 
 
Le temps entre Artaud et cet automne roux… 
 
 
Vous avancez, en piétinant ou naviguant  – rapport à la mère, à la sœur, aux « frères ». 
 
 
La culture, pour obtenir un commun, nappe les découvertes de quelques uns. La poésie élit, trie… Si tout est bon, l’écriture est de la cochonnerie. 
 
Il y avait (il y a) certes un « abcès ». Mais l’idée de le crever n’y donne pas assurément accès. 
 
 
Perfection. Je ne vais plus au charbon. 
 
 
Je considère comme un privilège le fait d’avoir un corps qui se sent à l’aise dans l’air, l’eau, les bras. 
 
 
Et « l’âme », cogne-t-elle ou vole comme un chant ? 
 
 
La chair décharnée…Paradoxalement, la spiritualité (Claudel) redonne de la chair. 
 
 
Comment Artaud est un grand poète : comment il touche aux limites que la langue, de son front obtus, oppose parfois à l’expression. 
 
 
Je ne me désintéresse pas de ma révolution. 
 
 
Mais l’élan toujours risque de se perdre. Il faut dans certaines circonstances s’éloigner pour le garder intact. 
 
 
 
 
 
 
 
Hors de tout brouillage idéologique, la pureté demeure digne. Pureté d’une phrase, d’une musique, d’un jeu… Dans le « paysage » contemporain, la pureté est une révolution. 
 
 
Unifier sur la force élémentaire ou accepter la variété d’une floraison (secondaire) ? S’il y a dérivation, s’il y a irrigation… 
 
 
Bâton de sorcier, de sourcier.  L’intérieur et l’extérieur. Histoire de cannes. Des bâtonnets de divination… Sonder la chance. Une formulation sonde, écoute la réponse, met à l’épreuve. 
 
 
    
L’écriture (la poésie) est parfois acte de volonté contre l’héritage, l’hérédité dito. 
 
 
© Claude Minière, [à suivre vendredi 3 octobre 2014]  
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