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L’astragale

Par Memoiredeurope @echternach
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Albertine Sarrazin

Les souvenirs me reviennent. Même si la cinéaste Brigitte Sy a retrouvé des tonalités qui la rapprochent de Marcel Carné et qui inscrivent son film dans les ambiances décrites par Albert Londres, familier des quartiers de marlous de l'entre deux guerres; nous sommes bien dans les années cinquante et dans l’approche des années soixante.

C’est-à-dire que les environs de la Libération s’estompent déjà pour être recouverts par une prospérité retrouvée. Ce n’est pas le brouillard des quartiers de Modiano, c’est plutôt le triomphe naissant de l’affirmation sociale de Sartre et Beauvoir et de la volonté de briser des tabous de Jean-Jacques Pauvert.

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Leïla Bekhti

Le regard d’une femme qui va soudain incarner toutes les femmes de son âge quand son roman « L’astragale » devient un phénomène d’édition. Prostituée, braqueuse, amante de sa compagne et de son sauveur. Libre dans sa tête et seulement prisonnière de sa fidélité et de ses contradictions. Libre, comme les femmes qui apprennent peu à peu à dominer le sort de leur corps ; un corps dont la libre possession va se placer au centre des slogans quotidiens quelques années plus tard.

Une initiatrice. Une entremetteuse entre un avant folklorique de la rue et un après de révoltes et de défilés.

On comprend pourquoi la presse en a fait un phénomène ; avant la télévision, avant l’internet. Une icône en noir et blanc venue d’Algérie dont l’écriture incisive et directe inscrit le scandale dans les remous troubles de la fin des guerres coloniales. Sa vie est autre, son visage est trop beau, elle surgit, comme échappée d’un harem et sa prose éclate comme un fruit mûr.

Elle vient à temps quand tout va changer.

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Leïla Bekhti et Reda Kateb

Il y avait déjà eu le visage de Marlène Jobert en 1968. Trop lisse et apparu sans doute dans un moment trop proche de la mort d’Albertine. Il y  a aujourd’hui celui de Leïla Bekhti, juste, résolu, dur, à la fois diabolique et innocent comme du marbre.

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Il y a surtout les mots : « Que ce réveil tourne lentement ! Le drap colle à ma poitrine, m’oppresse un peu. Je voudrais dormir, être minéral, être bloc autour de mon cœur qui bondit et court devant moi : choisis-la, Julien la route qui est à moi, sautes-y à pieds joints et que je porte à jamais chacun de tes pas. »

Avec ce qui a séduit le public ; le romantisme qui restait encore situé sur les marges. Les marges qui se rapprochent chaque jour un peu plus et les frontières d’une morale usée qui craquent.

Le film en témoigne. De tout ; des mots et de la vie. L’image noir et blanc nous absorbe.

Cette vie-là sortie des conventions, révolutionnaire, n’est pourtant plus qu’un souvenir…qui m’est revenu en force, mais qui restera sans doute du folklore pour les plus jeunes.

Pourtant les acteurs redonnent de la force à ce souvenir.

Ils sont immortels et intemporels, comme l’étaient ceux de « L’éternel retour ».

L'Astragale. Sortie: le 8 avril 2015.


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