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Déjà-entendu

Publié le 08 juin 2015 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

La musique contemporaine nous le fait assez comprendre : il y a des airs que l’on entend tellement qu’on a l’impression d’écouter la même chanson plusieurs fois dans la journée. Cette sensation est très bien illustrée par la troupe de comiques australiens Axis of Awesome :

Quand la copie devient trop évidente, il y a deux manières de réagir. Soit cela tourne au procès pour plagiat, notamment quand on intègre des éléments dans une chanson sans en demander l’autorisation. C’est notamment le cas du contentieux qui a opposé d’un côté Manu Dibango,

et d’un autre côté à la fois Michael Jackson

et Rihanna.

Mais il y a quelques fois où on s’arrange sur l’empreint de la mélodie. Je vais dès lors mettre les choses au clair : ici, je ne vais pas parler de reprise de la chanson dans une autre langue, mais d’emprunt de la mélodie pour faire une autre chanson. Oui, ce sont des choses qui arrivent, et je l’ai montré avec certaines adaptations françaises des Beatles. Cela se fait avec plus ou moins de bonheur, comme je vais vous le montrer avec ces quatre exemples que je vous ai dégotés.

L’originale : Kid Creole & the Coconuts, There’s Something Wrong In Paradise (1983)

Ce groupe a marqué les années 1980 et 1990 de sons créoles, mêlant funk, salsa et jazz. Ayant une identité visuelle très forte, ils ont tourné plusieurs films pour la télévision et le cinéma. C’est ainsi qu’on peut voir le groupe dans Contre toute attente (1983) et le chanteur dans Soyez sympa, rembobinez (2008). Le groupe se fait plus discret depuis les années 2000, mais a tout de même sorti un album en 2011 et fait une tournée en 2012. There’s Something Wrong In Paradise est tiré du quatrième album studio du groupe, Doppelganger.

La reprise : Douchka, Elémentaire, mon cher Baloo (1984)

Avant de faire des vocalises bizarres et des caprices dignes de Mariah Carey dans la télé-réalité Las Vegas Academy, avant même de faire sa diva dans la télé-réalité La première compagnie, avant même de se faire bouler du casting de The Voice, cette mannequin « de formation » (elle a commencé à 12 ans chez Elite) est devenue, sous l’impulsion de son beau-père Umbert Ibach, égérie et chanteuse pour Disney entre 1984 et 1989. C’est ainsi qu’à l’instar de Dorothée, elle a rythmé toute mon enfance. Elémentaire, mon cher Baloo est tiré de son premier album du même nom, sorti après l’énorme succès 1, 2, 3, Mickey, Donald et moi.

*

L’originale : Khaled, C’est la vie (2012)

S’il est en activité depuis 1978, il se fait connaître dans un premier temps en gagnant le premier prix du festival de raï d’Oran en 1985. Suite à l’album Kutché (1988), en collaboration avec le compositeur Safy Boutella, sa renommée devient internationale dans les années 1990 et 2000.  Il collabore avec Rachid Taha et Faudel pour le collectif 1, 2, 3, Soleils en 1998, mais aussi avec Alan Stivell, Cheb Mami, Jean-Jacques Goldman et Carlos Santana. Si on parlait davantage de lui au début des années 2010 pour des trucs louches, il revient en force en 2012 avec une bombe mâtinée de reggaeton qui a facilement ringardisé On va s’aimer de Gilbert Montagné dans les mariages.

La reprise : Marc Anthony, Vivir mi vida (2013)

Marco Antonio Muniz, fils de Portoricains, est aussi un vieux de la vieille, puisqu’il a fait ses gammes en première partie de Tito Puente au Madison Square Garden en 1992. S’il se fait connaître à l’international avec son duo avec Tina Arena, I Want To Spend My Lifetime Loving You – chanson présente sur la bande originale du Masque de Zorro – en 1998, sa notoriété est davantage circonscrite à l’Amérique latine et aux Etats-Unis. Son autre fait d’armes international est d’avoir été le mari de Jennifer Lopez et le père de ses jumeaux. Et donc, en 2013, il a dû tomber sur le tube de l’été en France et a voulu l’adapter pour le marché salserito. Tout de suite, ça fait plus classe, même si comme dirait le Chevalier : Avec Internet, il suffit d’une seule année pour que les scies musicales se répondent.

*

L’originale : Kaoma, Lambada (1989)

Enfin, l’originale, l’originale… C’est sous cette version que la mélodie a été popularisée mondialement en 1989. Parce qu’à l’origine, c’est le pompage d’une chanson bolivienne, Llorando se fue, du groupe Los Kjarkas (1981).

Et les producteurs français qui ont eu l’idée de traduire les paroles en portugais (parce que la Lambada est censée venir du Brésil) sans déclarer le nom des auteurs-compositeurs originaux à la SACEM ont peut-être engrangé beaucoup de sous avec ce concept, mais en ont perdu pas mal quand lesdits auteurs-compositeurs sont venus réclamer leurs droits d’auteur en 2010. Cela n’a pas empêché Jennifer Lopez et Pitbull d’en coller un bout dans la chanson On The Floor en 2011 – ce qui n’est pas étonnant, étant donné que la même Jenny from the block a participé à un film sur le phénomène baptisé Lambada.

La reprise : Les Garçons Bouchers, La Lambada, on n’aime pas ça (1990)

Fer de lance de la scène punk française avec les Beruriers Noirs et Ludwig Van 88 dans les années 1980 et 1990, les Garçons Bouchers ont décidé de s’intéresser de près aux tubes de l’été en en faisant une parodie. Si les paroles disaient On a rien trouvé de mieux pour passer à la télé, l’ironie du sort a fait qu’ils ont eu un tel succès avec ce titre qu’ils sont passés chez Jacques Martin. C’est d’ailleurs avec cette chanson qu’ils ont marqué le plus large public en France, à la manière d’un Salut à toi.

*

L’originale : Carrapicho, Tic Tic Tac (1996)

Encore des Brésiliens au mic, sauf qu’ici, la production originale est bien locale et prouvée. Le succès français de cette chanson vient de Patrick Bruel, qui a découvert le groupe lors qu’il a tourné Le Jaguar en forêt amazonienne. D’ailleurs, contrairement à Kaoma, où la chanteuse était brésilienne, mais les musiciens français, et où le groupe s’est très vite dissous, Carrapicho est en activité depuis 1983 avec les mêmes musiciens et danseurs. Le groupe a également à cœur de promouvoir les sonorités et la culture amazoniennes dans leur musique.

La reprise : Sophie Favier, Il me tape sur les nerfs (1996)

Surfant sur le succès, comme les trois autres chansons précitées, l’ex-coco-girl/mannequin/actrice érotique/animatrice télé et radio qui, aujourd’hui, s’épanouit sexuellement auprès d’un forain réitère son expérience dans la chanson qu’elle a acquise dans les années 1980. Cette « parodie » assumée de la part des producteurs ne fait qu’enfoncer l’image de blonde et connasse de la pauvre Sophie, déjà vulgairement moquée à cause de son zozotement. Bref, une chanson à ranger au rayon Bide et Musique.

Ce que je remarque, en guise de conclusion, c’est que les chansons exotiques ont bien plus de chance d’être soit parodiées, soit reprises avec d’autres paroles. D’autre part, il y a beaucoup plus d’indulgence pour ces mélodies dans le sentiment de déjà-entendu de la part de l’auditeur. En effet, ces mélodies entraînantes (pour la plupart du temps adaptées en français) deviennent dès lors identifiables et chantables pour le public-cible qui connait déjà la mélodie.



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