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(anthologie permanente) Charles Tomlinson (1927-2015)

Par Florence Trocmé

Les éditions Caractères publient Comme un rire de lumière du poète anglais Charles Tomlinson, dans une traduction de Michèle Duclos.
 
 
Peler la pomme 
 
Il y a les portraits et les natures mortes. 
 
Et il y a peler la pomme.  
 
Et puis ? La peler lentement,  
De dessous le jaune-frais 
Le blanc-froid émergeant. Et… ? 
 
Le bond de la pelure concentrique 
Déroulant complètement le blanc,  
La lame cachée, divisant.  
 
Il y a les portraits et les natures mortes 
Et les premiers, parce qu’"humains" 
Ne sont pas supérieurs aux secondes, et 
Ni l’un ni l’autre n’a moins de poids 
En geste humain, que peler la pomme 
Avec une tranquillité humaine.  
 
La lame fraîche 
Sépare entre la fraîcheur, la peau de la pomme 
Exigeant une reconnaissance.  
 
 
Paring the apple 
There are portraits and still-lives. 
 
And there is paring the apple. 
 
And then? Paring it slowly,
From under cool-yellow
Cold-white emerging. And...? 
 
The spring of concentric peel
Unwinding off white,
The blade hidden, dividing. 
 
There are portraits and still-lives
And the first, because "human"
Does not excel the second, and
Neither is less weighted
With a human gesture, than paring the apple
With human stillness. 
 
The cool blade
Severs between coolness, apple-rind
Compelling a recognition. 
 
 
Écouter Charles Tomlinson lire ce poème 
 
• 
 
Tout l’après-midi 
 
Tout l’après-midi les ombres ont construit 
Une ville à elles à l’intérieur des rues, 
Corrigeant précautionneusement les perspectives 
Avec des diagonales sombres et réduisant 
Les trottoirs à des passerelles, à d’étroits escaliers 
Eclairée comme si elle était un navire 
Cette ville-bis. Mais les enjambements 
Noirs appuyés comme des échelles à l’assaut 
Escaladent les façades et les relient à la terre,  
Confondant les escaliers de secours déjà pris 
Dans un réseau ambigu de lattes. Vous touchez 
Les formes glissantes pour trouver de quel lieu il s’agit 
Et barbouillez un doigt avec la cendre du temps 
Qui souffle à travers l’ombre à la fois de l’obscurité 
Et de la lumière, qui décape toutes les avenues 
Pour grêler les murs, monter des cours, des cages d’escalier 
Et ternie la cime aztèque du Chrysler.  
 
 
All Afternoon 
 
All afternoon the shadows have been building 
A city of their own within the streets, 
Carefully correcting the perspectives 
With dark diagonals, and paring back 
Sidewalks into catwalks, strips of bright 
Companionways, as if it were a ship 
This counter-city. But the leaning, black 
Enjambements like ladders for assault 
Scale the façade and tie them to the earth, 
Confounding fire-escapes already meshed 
In slatted ambiguities. You touch 
The sliding shapes to find which place is which 
And grime a finger with the ash of time 
That blows through both, the shadow in the shade 
And in the light, that scours each thoroughfare 
To pit the walls, rise out of yard and stairwell 
And tarnish the Chrysler’s Aztec pinnacle. 
 
Charles Tomlinson, Comme un rire de lumière, traduction de l’anglais de Michèle Duclos, préface de Michael Edwards, dessins de Charles Tomlinson, édition bilingue, éditions Caractères, 2015, pp. 20-21 et 72-73 
 
Bio-bibliographie de Charles Tomlinson 


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