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Anthologie permanente : Stéphane Bouquet (2)

Par Florence Trocmé

Ariane Dreyfus signe dans le tout nouveau numéro de la revue Décharge (n°138), un très bel article consacré à Stéphane Bouquet, article qu’elle complète de quelques pages anthologiques, dont j’extraie ce texte.

Emily Dickinson : il semble qu’elle aussi suppose que le poème est un lieu pour le père, un jardin pour lui ou pour son absence : un maigre cabanon d’outils, des bancs, l’ombre des arbres, parfois des abeilles bruissantes, des fleurs qu’on cueille et dont on fait un bouquet en attendant, en l’attendant lui, et qu’on tendra pour l’accueillir, pour qu’il les prenne et les respire, se tenant sur le seuil du monde. C’est ici le poème, bienvenue. Ou bien, l’autre paysage : l’hiver, le gel, les branches cassantes, les allées glissantes, l’unique extension blanche, les mains posées sur la vitre glaciale, et la silhouette de lui, le père, qui arrive, qui vient habiter dans le poème parce que celui-ci, somehow / d’une certaine façon, l’attendait, va le réchauffer. Une fois, elle écrit dans une lettre une définition bouleversante : cette Césure de l’Espace que l’appelle « Père ». C’est une vérité profonde, quant à elle : un jour, un seul jour, le Père est venu, il a fracturé la maison, il a fracassé les choses et nous a laissé les débris, avant de repartir. Les vers sont pour Dickinson le constat que le monde est désormais brisé, répandu en Miettes dans l’Allée. Elle ramasse en quelque sorte dans les vers les Tessons des choses, les morceaux de Rouge-gorge, l’Herbe déchirée. Peut-être que les vers sont, pour Hölderlin, une semblable reconstruction de la continuité, une élaboration précaire de la fratrie bâtisseuse. D’une certaine façon, ils coupent le flux / le fleuve de la phrase ; mais d’une autre, plus profonde, ils accroissent la vitesse de la page, ils coulent plus facilement de ligne en ligne, ils nous maintiennent dans la vigueur du courant, dans l’énergie couturière des fleuves, dans quelque chose comme une course commune et dps lgtps, dans pourquoi pas ? l’éjaculation abondante et paternelle.

Stéphane Bouquet, Un peuple, extrait publié dans la revue Décharge n° 138, juin 2008. (Un peuple, Champ Vallon, 2007, p. 85)
Stéphane Bouquet dans Poezibao :
Bio-bibliographie, extrait 1
Présentation du numéro 138 de la revue Décharge

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