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(anthologie permanente) Anne-Marie Albiach

Par Florence Trocmé

C’est l’écoulement de ce sang tiède, insonore et dont le bruissement rythme l’instant. 
   Tout s’interrompt dans la délinéation mutique d’une terreur. 
   Ils impliquent leur destin à la force de la cicatrice aux poignets, d’une blessure interne dont le battement monte par saccades depuis tant de lieux. Ces appels n’ont d’écho qu’à travers un passage d’abstractions dans les corps indéfiniment mis à l’épreuve. 
   La loi s’effectue dans les graphismes qui l’éclaircissent.
   La disparition est-elle totale de celui qui n’est plus là, atterré, mis à terre, par un souffle qui a doublé son souffle dans les meurtrissures.
   Dans l’urgence la loi s’apaise et les regards en viennent à une nouvelle terre ambiguë, portant l’eau et le feu 
   l’amour abat l’exil parfois, et jamais ne se met de lui-même en exil celui dont le sang tiède, insonore, et dont le bruissement inaudible est langage pour toi
   le retrait est cette part de bleu sous la nuque qui rend le regard trouble retrait qui s’efface au retour d’un renversement de solitude qui ranimerait le corps mis en délit
à quoi correspondrait cette convulsion aveugle des réels lorsque le sang tiède qui parcourt les vaisseaux (et la mer…) émet un bruissement plus insistant 
   l’urgence et une loi tiennent lieu d’espace terrien, où l’on se peut mouvoir à la recherche d’une adhésion au temps restrictif, dans sa dissolution 
   terre blême se couchent sur toi les reliquats 
d’une donnée perpétuée dans ce dédoublement produit par le corps traversant plusieurs limites revêtu de parures divergentes telle une projection dans la chair jubilatoire 
   quel est ce cheminement en soi quand les termes de la mémoire tombent tels des lambeaux, face à une autre clarté en évolution 
 
 
dans un temps immédiat 
ce même souffle ascendant 
élague nos gestes musicaux 
une architecture sauvage 
immémorielle 
en deçà des perspectives d’une raison 
 
Respiration, souffle dans ces univers parallèles 
pour lesquels le passage est telle déchirure 
d’un arbre qui éclate ses fruits la nuit 
jusqu’au redressement de la pierre incessante 
Silence de la mutité bleue 
une ferveur parcourt les membres endoloris 
sous les sarcasmes 
[…] 
 
Anne-Marie Albiach, « Cette douceur », extrait de Figure Vocative, in Cinq le Chœur, 1966-2012, Flammarion, 2014, pp. 375. 
 
Ce texte a été lu par Jean-Marie Gleize lors d’une soirée d’hommage à Anne-Marie Albiach le 26 novembre 2015 dans les locaux de l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) à Paris. Il faut savoir en effet que Claude Royet-Journoud a donné toutes les archives d’Anne-Marie Albiach à cette institution ainsi que la bibliothèque de l’écrivain au cipM, Centre international de poésie de Marseille. La soirée a été marquée par trois interventions d’Abigail Lang, Rémi Bouthonnier et Jean-Marie Gleize. 
 
Anne-Marie Albiach dans Poezibao : 
bio-bibliographie, recension de Jean Daive, Anne-Marie Albiach, l’exact réel par Olivier Goujat, extrait 1, sa mort, in memoriam, "Celui des "lames", par Anne Malaprade, "Celui des lames", par René Noël, ext 2, [note de lecture] Anne-Marie Albiach, Cinq le Choeur, par René Noël 


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