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(note de lecture) Ezra Pound, "Posthumous Cantos", rassemblés et présentés par Massimo Bacigalupo*, par Claude Minière

Par Florence Trocmé

Le poète dit la cause des désordres

Pound
Massimo Bacigalupo est professeur à l’Université de Gênes. Depuis longtemps il s’est attaché à une connaissance complète de l’œuvre et de la vie d’Ezra Pound (il a ainsi, entre autres, apporté sa collaboration aux éditions Tristram). Le volume qui voit maintenant le jour chez Carcanet est le résultat d’une collecte minutieuse effectuée par l’universitaire dans les « fonds Pound » des bibliothèques à la recherche de notes, premiers jets, esquisses et contributions ponctuelles du poète, entre 1915 et 1970. Le but est d’éclairer des Cantos la genèse et ce qui alimente leur composition. Voici donc un « document » indispensable.
On a souvent dit (et peut-être estimé) que Pound, né aux États-Unis, mort à Venise après de longues années vécues en Europe (Londres, Paris, Rapallo), d’une guerre à l’autre, s’était toqué de théories économiques, perdant son art poétique. Incompréhension totale. C’est bien la poésie qui conduit à une pensée de la cause des désordres et des destructions.
Voyez ainsi (p. 129 à 133 de l’édition Carcanet) les notes préparatoires au premier des « Cantos pisans ». Le poète regarde l’étendue du désastre :
« ils ont fait des milliards de profit
  Qu’ils les retirent
« les gains privés n’apportent pas la prospérité
l’équité est la vraie richesse des états
« fils du paradis dans la pleine splendeur
le disque du soleil sur le champ cultivé
au dessus de l’assemblée harmonieuse
« les nantis ne se sont pas préoccupés
de progrès social
  ou de protection des salaires »
Pound va alors puiser ailleurs (un autre temps, ou un autre lieu) de quoi conforter son entreprise. Chez Dante ou dans les annales de la Chine classique. Notant au passage :
« à la réalité ? Oui, voilà justement en quoi j’ai cru ---
à la réalité --- quant à la cohérence ?
  cohérence.
« dans le ‘Printemps et Automne’
il n’y a pas de guerres justes
le vent aussi est du procès »
et il va revenir à son image favorite (de leit motiv ) :
« la lance du soleil mesure les années ».
C’est bien la ligne de poésie qui rencontre ce qui barre la route du paradis rêvé, abîme la beauté. Mais dans la confiance accordée au « soleil », Pound s’aveugle parfois, multiplie les cibles, se trompe de cible. Il s’enrage (« rage de l’expression », F. Ponge) de l’écart entre désir et déception.
Le recueil que l’on doit à l’opiniâtreté de Massimo Bacigalupo permet de voir Pound dans ce combat,
« Et avoir tenté quelque chose plutôt que non »
Claude Minière
Ezra Pound, Posthumous Cantos, rassemblés et présentés par Massimo Bacigalupo. Carcanet éditeur (Manchester, U.K.)

*Livre en anglais, les traductions des poèmes sont de Claude Minière.


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