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(enretien) avec Armand Dupuy, par Emmanuèle Jawad

Par Florence Trocmé

Poète et peintre, Armand Dupuy poursuit parallèlement écriture et travail pictural. Il a publié notamment Mieux taire, Æncrage & co, 2012, Par mottes froides, Ed. Le Taillis pré (2014), Sans franchir, Ed. Faï fioc, 2014 et Ce doigt qui manque à ma vue, Æncrage & co, 2015.
Il dirige avec Jean-Marc Undriener les éditions Centrifuges.
Emmanuèle Jawad 
: Plusieurs de vos livres associent poème et peinture. Sous le nom d’Armand Dupuy, vous poursuivez un travail d’écriture et sous celui d’Aaron Clarke, un travail de plasticien. Ce doigt qui manque à ma vue semble avoir la particularité d’intégrer pleinement le travail de la peinture à celui de l’écriture, le texte se composant sur l’axe thématique du travail de la peinture. Comment s’effectue cette répartition dans votre travail entre écriture et peinture ? Quels liens et écarts s’opèrent entre ces deux pôles et en particulier dans la composition de ce dernier livre ?

Armand Dupuy :
Je précise, pour commencer, que ce livre n’est pas un livre au sujet de la peinture. Comme chacun des textes déjà parus, cela concerne simplement la vie. Et, puisqu’il m’arrive de prendre les pinceaux, forcément, le travail à l’atelier finit par passer dans les poèmes, comme d’autres moments le font. Peut-être que les premiers vers donnent cette impression qu’on aura affaire à des questions picturales : « tu poses du vert / pour salir pour exister / parce qu'il faut ces taches / étalées ces gouttes / où penser », mais on s’en détache assez vite, je pense, même si ce « thème », probablement, n’est jamais absent, puisque les yeux sont toujours sensibles aux couleurs, aux agencements de formes, etc. Il y a également le signe à l’ami peintre, Georges Badin, qui peut renforcer cette impression. Longeant la mer, à Sète, lors de l’invitation au Festival Voix vives, en 2014, tous les matins, je pensais à lui, en griffonnant dans le bout de carnet, à lui qui aimait la mer (avec cette phrase en tête, peut-être bien, qui est issue de l’un de ses courriers « l'eau de mer du matin ne me dévore pas mais m'incite à l’action dévorante »). Il m’envoyait parfois des bois flottés – il disait des oiseaux – qu’il avait ramassés lors de ses baignades puis qu’il avait peints et assemblés. La peinture, donc, traverse forcément ces pages, mais elle n’en est pas le sujet.
Concernant l’objet livre, qui intègre l’aspect pictural à l’écriture, il faut saluer le travail mené par les éditions Æncrages & co et aller voir du côté de leur catalogue. Depuis les fondements de la maison par Roland Chopard, en 1978, cette corrélation peinture / écriture a toujours été présente et affirmée. Pour la simple raison, je suppose, que Roland lui-même était travaillé par ces deux aspects, dans sa propre pratique. Il a toujours eu à cœur de provoquer des rencontres, hors et dans les livres, avec une obstination impressionnante (la maison tient toujours même après avoir essuyé deux incendies destructeurs !). Il faut aussi signaler que le travail d’Æncrages dépasse les pages du livre, ça s’inscrit dans la relation, dans la rencontre. Depuis quelques temps, Claire Perrin et Julie Welklen ont rejoint la maison. Et c’est toujours un vif plaisir de travailler avec elles, également. Avec leurs regards, leur savoir-faire et ce qu’elles apportent de neuf à cette base solide. Ce doigt qui manque à ma vue contient 4 sérigraphies de Philippe Agostini et ce ne sont pas simplement 4 dessins juxtaposés au texte. Nous avons travaillé ensemble, à l’atelier de sérigraphie, les dessins ont été repris, remaniés à cette occasion. Si l’on ressort avec l’idée que ça s’intègre bien – et j’espère également qu’il y a mises en tension, écarts de sens – c’est « réussi ».
La répartition écriture / peinture se fait, en général, de façon assez naturelle. C’est parfois par vagues, côté peintures. Je ne saurais pas dire s’il existe un équilibre ou une rupture, ou je ne sais quoi. Je me contente de suivre mes pentes. Mais ce sont vraiment deux approches différentes. L’une ne complète pas l’autre, ou ne prend pas le relais de l’autre quand elle bute et peine à atteindre ce qu’on cherche. Avec la peinture, je suis ailleurs, pas dans la continuité du travail d’écriture. Ce sont d’autres strates, plus basses, qui se mettent en mouvement et, paradoxalement, peut-être aussi plus superficielles, parce qu’il s’agit d’un travail « à la surface ». Difficile d’en dire davantage. Ce que je peux repérer, simplement, d’un peu ritualisé à cause des contraintes d’espace, c’est que je prends les pinceaux plutôt en début de soirée ou le week-end. Impossible de travailler les matins, quand la maison dort, puisque l’atelier se trouve au-dessus des chambres. Le moment du matin, assez tôt, de 4h30 à 7h00 est donc réservé à l’écriture. Ou plutôt devrais-je dire, à la reprise des textes, au travail d’après coup. Parce que ça vient n’importe quand, n’importe où. C’est saisi à la hâte : je ne peux pas vraiment décider de m’installer à la table de travail et d’écrire. Mais je peux m’y installer pour reprendre, revoir, retravailler. Le matin, c’est aussi le moment des courriers, des lectures.

Cet entretien étant assez développé, Poezibao propose de le lire dans son intégralité en cliquant sur ce lien. (Format PDF, enregistrable et imprimable)


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