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(anthologie permanente) Emmanuel Hocquard

Par Florence Trocmé

IV
   Ce soir les barques reprendront la mer.
   Voilà
Vaisseaux légers qui ne laisseront pas de trace
(non moins que la quinquarème de Ptolémée)
   haute mer
   pleine mer
pourtant… eu égard aux dieux solitaires
   et à la réputation de Pergame…
Mais à quoi bon, n’est-ce pas, puisque nous savons bien
   ce qu’il advint de l’acropole
   (haute mer)
   pleine mer de terre et de pierre,
   qui recrache tant d’épave sous la pelle
   avec les os, le verre, le bronze)
   Bateaux légers et lourds vaisseaux
Tout va au fond, tout sonne sous la pioche…
Tombes sans fleurs, sans crois, sans allées ni chemins
   tracés
   Et même l’anecdote qui vous faisait peur
   elle n’a plus cours (foutue, complètement foutue)
avec les écriteaux qui disaient : ici la forêt et là le port
   ou le palais ;
Et surtout l’anecdote qui vous faisait horreur
   elle va au fond
   tête en bas dans la mer
   Voilà
   Tout franchit le silence et le bruit
   cette amour-ci et cette séance au Sénat
et la pluie le long des parois taillées dans le roc.
   Hautes roches
   pleines roches pétries
   de pierre, de terre et d’os
   avec les mots qui les ont désignés
le tout bien tassé au fil des jours.
Emmanuel Hocquard, Les élégies, P.O.L., 1990 et édition Poésie / Gallimard, 2016


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