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Primeurs 2015 à Bordeaux (2) : un Himalaya

Par Mauss

Si les grands sportifs vous sont connus, vous avez certainement en mémoire le nom de Reinhold Messner : le premier homme qui a gravi les 14 sommets de plus de 8.000 mètres et sans oxygène. Avec Roger Federer, les deux noms les plus beaux du sport européen.

Et bien figurez vous que pour le millésime 2015 à Bordeaux, il y aura - c'est sûr - 14 chefs d'oeuvre absolus. Avec notre petit groupe habituel, nous avons eu l'occasion ce jour de gravir deux de ces 14 sommets. Quiconque, qu'ils s'appellent Bettane, Neal Martin, Galloni ou autre Jancis Robinson ou Bernard Burtschy, ne place pas ces deux Domaines dans cette liste des 14 sommets de l'année, c'est simple : oubliez les. Les commentaires qu'ils pourraient écrire en ne les mettant pas au sommet doivent être considérés comme nuls et non avenus.

Attention : trois remarques sévères s'imposent avant de continuer :

- on relativisera ces phrases quasi impudiques comme relevant d'esprits d'amateurs, certainement pas professionnels, et donc qui disent d'abord ce qu'ils ressentent au lieu de chercher la petite bête - ici inexistante - qui serait une sorte de valorisation stupide de leur carte de presse de tant d'écrivaillons incapables d'être honnêtes. Et comme nous l'avons écrit plusieurs fois, les simples amateurs que nous sommes, fatalement, nous donnons une priorité instinctive aux satisfactions immédiates apportées par le vin, aux émotions ressenties en sachant pertinemment que nous sommes totalement incapables de décrire le futur de ces vins, ce qu'ils deviendront d'ici 10, 20 ans. C'est donc un point de vue du moment, sur le contenu dans nos verres, à la température parfaite où ils furent servis, et à partir naturellement de l'échantillon du jour.

- ensuite, sur les propriétés visitées ce jour, uniquement en rive gauche (demain, ce sera rive droite) nos visites se sont limitées à 5 propriétés, soit un score n'ayant strictement rien à voir avec les parcours mahousse costaud des grands pros, style Burtschy, capable de passer, stylo en main, dans plus de 20 châteaux. Bref : statistiquement, ce n'est absolument pas significatif, mais j'ai un doute particulièrement sérieux sur le fait qu'on aurait couronné deux Domaines lesquels, pour d'autres dégustateurs, ne mériteraient point d'être mis in petto aux sommets.

- enfin, comme ardent défenseur des dégustations à l'aveugle, vous ne manquerez pas de persiffler sur le fait que nous allons évoquer là des dégustation avec étiquette devant nous. C'est ainsi pendant les primeurs : take it or leave it !

Ces deux propriétés qui suscitent un tel enthousiasme sont positionnées, géographiquement, aux antipodes de la rive gauche.

Nous parlons là au sud des vins sublimes de Clarence Dillon, à savoir les Qvintus, les Haut-Brion blanc et rouge, les Missions Haut-Brion blanc et rouge.

Au nord, il s'agit de Montrose.

On va être bref : absolument tous les vins du Domaine Clarence Dillon, et dès le premier à savoir le Dragon de Qvintus, nous ont laissé sans voix et la montée en émotion suivait parfaitement l'ordre de service : 

EN ROUGE :

- Le Dragon de Qvintus

- La Chapelle de la Mission Haut-Brion

- Le Clarence de Haut-Brion

- Château Qvintus

- Château La Mission Haut-Brion

- Château Haut-Brion

EN BLANC :

- La Clarté de Haut-Brion

- Château La Mission Haut-Brion

- Château Haut-Brion

Et en haut du Médoc, La Dame de Montrose et Montrose seront simplement des monuments du millésime. De purs chefs d'oeuvre, du grandiose qui va réconcilier le plus ardent pourfendeur du bordelais - pour autant qu'il soit honnête - avec cette capacité de quelques propriétés nous démontrant "alla grande" comment tirer de terroirs d'exception des vins que je qualifierai d'ultimes.

Vous pouvez lister tous les superlatifs qui font partie de votre vocabulaire habituel : ce sera encore insuffisant pour exprimer tout ce qu'apportent ces crus de référence : de la robe et son éclat aux finales de rêve, de cette faculté pour les Pessac d'avoir si bien assimilé des taux d'alcool autour de 15°, du toucher de bouche comme à La Tâche, d'une structure, d'une colonne vertébrale tenant fermement une chair quasi luxuriante, bref, tout est là, naturellement, pour donner à l'amateur des sensations simplement uniques.

Bon : revenons sur terre : ce seront des vins bien loin de nos bourses. Mais comme disait Madame Geneviève Tabouis, évoquant votre prochain gain du loto : "attendez vous à savoir…"

Vous avez parfaitement le droit de vous moquer de ce billet : peu me chaut comme dirait Bizeul. J'espère simplement avoir su transmettre deux moments uniques de ce lundi 4 avril.

On évoquera dans un autre billet les autres crus du jour :

- les multiples vins de Monsieur Bernard Magrez dont un étonnant 100 carmenère du Chili, son blanc japonais, et un magnifique Clémentin blanc qui devra vite devenir "out of stock". Des Rhônes souples, des Languedoc-Roussillon aux noms assez particuliers… mais cela, chez Monsieur Magrez, c'est devenu un leit-motiv :-)

- le Chevalier de Lascombes et Lascombes, grande finesse et souplesse pleine très "margaux"

- Tronquoy-Lalande : Hervé Berland nous rappelant que ce fut avec Calon-Ségur les deux premières propriétés créées si loin de Bordeaux, et donc sur des terroirs bien choisis. On aura là, j'espère, un bon RQP car le vin est soyeux à souhait.

- enfin, Didier Cuvelier nous proposa Le Crock, Moulin Riche et naturellement Léoville-Poyferré, là encore des vins d'une grande souplesse, ronds à souhait, fins, élégants et typiquement saint-julien, c'est à dire avec des tanins d'une belle douceur.


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