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(anthologie permanente) Erri de Luca

Par Florence Trocmé

Avec l’aide d’Hölderlin

Au mois de mai quatre vingt dix-neuf
Les Belgradois faisaient les astronomes
et scrutaient les cieux.
Le sol explosait, les pierres tremblaient
plus que les vieux, les chiens et les enfants.
Les bombes au graphite avaient débranché l’électricité,
dans le noir la fraternité augmentait.
« Là où existe le danger, grandit
aussi celui qui sauve »
(Wo aber Gefahr ist, wächst / das Rettende auch).
Le poète n’était pas à Belgrade en ce mois de mai,
il était mort depuis un siècle et demi,
ses pages, oui, étaient dans ma poche
une défense anti-aérienne, un sauf-conduit.
En temps de guerre les mots des poètes protègent la vie
les prières d’une mère aussi.
Dans une guerre les orphelins et les sans-livres
sont à découvert.
Con l’aiuto di Hölderlin

Il mese di maggio del novantanove
i belgradesi facevano gli astronomi
e scrutavano i cieli.
Il suolo esplodeva, tremavano le pietre
più dei vecchi, dei cani e dei bambini.
Le bombe alla grafite avevano staccato l’elettricità,
al buio aumentava la fraternità.
 ‘Dove esiste pericolo, cresce
pure quello che salva’
 (Wo aber Gefahr ist, wächst/ das Rettende auch).  
Il poeta non era a Belgrado quel mese di maggio,
era morto da un secolo e mezzo,
le sue pagine sì, stavano in tasca mia
da contraerea, da salvacondotto.
In guerra le parole dei poeti proteggono la vita
insieme alle preghiere di una madre.
In una guerra gli orfani e quelli senza un libro
stanno allo scoperto.
/
Promenade avec Amos Oz

Le long des remparts extérieurs de Jérusalem
où avant 1967 passait la frontière
et où les armes à feu cherchaient des corps à abattre,
nous marchons et il me montre les pierres lourdes comme du plomb.
C’est un limpide matin de février,
on ne parle pas de sang, mais d’eau.
Je raconte le puits creusé dans mon cham
le bonheur du premier jet répandu sur la terre,
eau partagée entre les arbres et la maison,
peu, dosée et rendue, pour ne pas la gaspiller.
Lui se souvient de l’eau pour se laver les dents,
après usage recueillie dans un seau
elle servait à nettoyer le sol
et puis essorée de la serpillière
elle était versée sur le sillon planté d’oignons.
Et ainsi nous nous arrêtons pour faire un sourire.
Nous sommes deux personnes qui ont pris en compte les gouttes.
Passeggiata con Amos Oz

Lungo le mura esterne di Gerusalemme
dove prima del '67 passava il confine
e le armi da fuoco cercavano corpi da abbattere,
andiamo e mi accenna le pietre che pesano piombo.
E' un limpido mattino di febbraio,
non si parla di sangue, invece di acqua.
Racconto il pozzo scavato sul mio campo
la felicità del primo getto sparso sul terreno,
acqua divisa tra gli alberi e l'uso di casa,
poca, dosata e resa, non fare che si sciupi.
Lui ricorda quella per lavarsi i denti,
dopo l'uso raccolta dentro un secchio
serviva per pulire il pavimento
e poi strizzata dallo strofinaccio
si versava sul solco piantato a cipolle.
E così ci fermiamo per fare un sorriso.
Siamo due persone che hanno tenuto da conto le gocce.
Erri de Luca, Aller simple, traduit de l’italien par Danièle Valin, édition bilingue, Gallimard, 2012, pp. 88-89 et 106-107.
Bio-bibliographie d’Erri de Luca (Wikipedia)


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