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(anthologie permanente) Serge Pey, "Le soleil et la loupe"

Par Florence Trocmé

Serge Pey publie Venger les mots, aux éditions Bruno Doucey.
« Venger les mots… Serge Pey aura écrit ce livre comme on érige une barricade face au maintien de l’ordre. Ici, il nous invite à multiplier les foyers de poésie pour « mettre le feu à la plaine » ; là, il en appelle à la libération de Leonard Peltier, militant de l’American Indian Movement emprisonné depuis 1976. Ailleurs encore, il compose une « prière punk » pour les Pussy Riot », collectif de féministes russes violemment malmenées par le pouvoir de Vladimir Poutine, ou un hommage aux héros du réseau Sabate qui bravèrent la dictature franquiste par des actions à visage découvert. D’un texte à l’autre, un même appel à l’insoumission. Une même conviction que la poésie est action. Un même désir de venger les mots et les morts, ceux qui « nous tiennent les jambes pour que nous restions debout. » (sur le site de l’éditeur)
Le soleil et la loupe

Le soleil est un marteau
Le soleil ressemble à l’eau
Le soleil est terrible comme l’eau
Avec le soleil on peut imaginer plein de choses
Par exemple
avec une loupe concentrer ses rayons
en un seul point sur le cœur de l’ennemi
Une loupe peut prendre la forme
d’un poème
d’un comité d’action d’un cercle
d’un mouvement
ou de la spirale d’un escargot.
Il ne s’agit pas d’être nombreux
pour tenir la loupe mais quelques-uns
simplement comme les doigts d’une main
ouverte ou fermée
Le plus difficile est de faire comprendre
qu’il est possible
de faire un feu avec une loupe
à condition de concentrer les rayons
du soleil en un seul point
Il s’agit de proposer la multiplication
des foyers de poésie
pour commencer  à mettre le feu
à la plaine
Il nous faut montrer la voie du feu
et distribuer secrètement des loupes
lors de nos réunions clandestines de poésie
En tenant la loupe
nous devenons nous-mêmes
des rayons
qui se concentrent
en un seul point
En ce sens nous montrons
que nous sommes tous les rayons
d’un même poème
Mais dans le fond
notre condition est d’être
en même temps
la loupe et les rayons
c'est-à-dire d’être un poème en entier
Ceci n’est pas une raison
de nombre et de feu
mais uniquement de lumière
Dès que nous avons une loupe
il s’agit de commencer
immédiatement
à concentrer les rayons
sur un point que nous avons choisi
car le feu est la condition
de notre poème
et le poème la condition du feu
Serge Pey, Venger les mots, Éditions Bruno Doucey, 2016, pp. 57 à 59.


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