Magazine Culture

(anthologie permanente) Hugh MacDiarmid, "la poésie est-elle morte ?"

Par Florence Trocmé

Hugh MacDiarmid (1892-1978), tenu pour le plus grand poète écossais du siècle dernier, compte parmi les grands modernistes, à l'égal de T. S. Eliot et Ezra Pound. Ses premières œuvres paraissent en écossais (scots) – à ne pas confondre avec le gaélique –, puis, sans l'abandonner complètement, il écrit surtout en anglais. Tout de suite il bouscule la scène littéraire et politique, en raillant le provincialisme écossais, en attaquant la frilosité et le conformisme universitaires, en faisant sauter le compartimentage des savoirs et des genres.
Son œuvre, considérable, a fini par être reconnue en Écosse et dans le monde anglophone – même en Angleterre, parfois à contrecœur. Cependant, si des poèmes de MacDiarmid ont paru en français en revue et dans une anthologie, aucun recueil ne lui a jamais été consacré. Paol Keineg, désireux de corriger cette anomalie, a entrepris de présenter un choix de ses poèmes.
L’avenir de la poésie
La poésie est-elle morte ? Les guerres, l’Age des Robots, l’effondrement de la civilisation
Tout cela dérange et fâche, il est vrai
– Mais seulement à la façon dont le pêcheur, après que la poule d’eau a pris son envol dans les éclaboussures,
Pendant une minute ou deux voit fuir le poisson qui remontait à la surface !
Perfection
Sur la côte ouest de South Uist
(Los muertos abren los ojos a los que viven*)
J’ai trouvé un crâne de pigeon sur le bord de la mer,
Tous les os d’un blanc pur et secs, couverts de calcaire,
Mais parfaits,
Sans une fêlure, sans un défaut.
À l’arrière, sortant du bec,
Deux bosses jumelles comme de fines bulles d’os,
Presque transparentes, où était le cerveau
Qui réglait la position des ailes.
*les morts ouvrent les yeux des vivants. Il s’agit d’une citation de la Celestina (1499), œuvre attribuée à Fernando de Rojas.
Ephphata

Rien que fourrage à moutons et pardamus
Et mer noire défilant devant un cheval piaffeur
Et petite lumière paléocryptique veillant
À travers les gypses de ce panopticon
Sur l’humanité au dernier stade de la pellagre.
À présent la lumière, paxwax de l’infini,
Devient aussi solide qu’une barre de fer.
Ni phosphène ni photopsie ne peut plus
La compléter ou la supplanter, et c’est en vain
Qu’une voix crie encore : Ephphatha, ce qui ne signifie rien
Dans la pauvre pasilalie de tous les sons
Qui ne sont plus que bruit d’os brisés
Sur l’invisible pamphracte de Dieu.
Hugh MacDiarmid, Un enterrement dans l'île, sélection de poèmes traduits de l'anglais par Paol Keineg, éditions Les Hauts-Fonds, 2016, pp. 66, 46 et 23.
Biographie de Hugh MacDiarmid (Wikipédia)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines