(feuilleton) Cécile Riou, "Phrase unique", 13

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(…) et les autres magies de la lithographie, tombeaux barbouillés verticaux, on évacue « le sein brûlé d’une antique amazone » , vous êtes rassurée si je vous dis que les brandons servent à faire le fusain, et pas l’amazone ne devient pas scripteur, en aucune façon, qu’on peut, à la rencontre de la pierre et du métal, trouver un sourire, un rire, et même la joie, sans que votre nez se fronce à l’odeur, reconnaissable entre toute, du plastique sur barbecue, emballage hélas oublié (…)
(…) sur la grille, soutenant les impressions sérigraphiques poudrées de cuivre, prises en flocons par la colle projetée sur soie tendue avec châssis de bois, on se sait pas comment, qui écrivent sur papier blanc grammé 85 «  bref, aimons le court », alors que la procédure, interminable interminée du poème du jour se déroule, selon le Diurnoscope inventé par Benoit Richter (entre autres inventions poétiques toutes googlisables), qui inspecte chaque jour un objet, une matière ou une odeur, un personnage, une citation du jour, un sentiment qui ne date pas d’aujourd’hui, qui rappelle ce dont on parle, qui permet, grâce à Benoit Richter, de porter un œil neuf sur le jour neuf, alors sans tricher, je rappelle la grille ouvragée, alvéolaire, ferme et pourtant vide, qui soutient, avec ses vides et ses creux, le papier grammé 85 et sa poussière cuivrée (…)
(…) laquelle poussière ne redeviendra pas poussière, ni dans votre œil ni dans le mien, mais mouton bêlant que l’on observe lorsqu’on garde le lit longuement, l’œil près sur du sol a deux positions : regard dirigé vers le plafond (fêlures, nervures de bois, peinture avec écailles) ou vers le bas : le sol alors vous parle, le revêtement dit jonc de mer fait des brisées au pied des murs, des vagues douces, et le roulis est tangible, il tangue aussi un peu votre lit, le pied n’est pas très sûr posé sur la natte odorante, l’ouïe palpite pourtant, vous êtes le combat d’Achab et de Jonas, et vous pensez comme le brave Nikita de Maître et serviteur :  « pourvu, chère âme, qu’on ne s’égare plus ! » sans toutefois que les vagues de jonc se soient prises en glace, vous savez que vous ne vous égarez pas(…)
(…) même si le détour fait partie du voyage, et qu’il vous amène à concevoir un musée imaginaire, épagneuls ou braques sépia dans un cadre noir, le cheval s’en est échappé au revers, planté docile devant trois pâquerettes qu’il ne mange pas, alors que sur l’endroit « le chat qui disait n’importe quoi » est moqué par un oiseau (un merle blanc ?) et par un écureuil auréolé de crépon vert, qui lance un gland géant de ses pattes avant vers le chat, pour lui signifier sa bêtise, lui demander de se taire, l’assommer peut-être ; les chiens ne mordent pas, ne grognent pas, ne sucent pas de cailloux, ne cillent pas, ce sont des chiens de papier, et mieux que de porcelaine, ils ne se regardent pas mais regardent dans la même direction, celle du merle blanc, est-ce à dire que(…)