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Contrefaçon de marque et forclusion par tolérance : une question de preuve

Publié le 31 octobre 2016 par Gerardhaas
Contrefaçon de marque et forclusion par tolérance : une question de preuve

Par Laurent GOUTORBE, Avocat - le 31 octobre 2016

A propos de Cass. Com., 5 juillet 2016, Pourvoi n°14-18540

La Cour de cassation considère que le titulaire d'une marque enregistrée depuis plus de 5 ans est fondée à soulever l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon de marque engagée à son encontre par le titulaire d'une marque antérieure dès lors qu'il parvient à démontrer " avec un degré de certitude suffisant " que ce dernier avait connaissance de sa marque et qu'il en a toléré l'usage pendant plus de 5 ans.

L'affaire opposait la société L'Oréal, titulaire de la marque communautaire " Noa " déposée le 12 avril 2002 et enregistrée le 25 juillet 2003 pour désigner différents produits cosmétiques et de parfumerie en classe 3, à la société Cosmetica Cabinas SL, titulaire de la marque communautaire " Ainhoa ", déposée le 3 juin 2002 et enregistrée le 9 septembre 2003 pour désigner le même type de produits en classe 3, ainsi qu'à son distributeur en France.

C'est par une assignation délivrée les 20 et 21 octobre que la Société L'Oréal a engagé une action en contrefaçon de marque par imitation contre ces deux sociétés qui ont soulevé la fin de non-recevoir tirée de la forclusion par tolérance d'usage telle que prévue par l'article 54 du règlement européen n° 207/2009 sur la marque européenne (la même règle est édictée par l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle pour les marques françaises). Ces textes prévoient que le titulaire d'une marque est irrecevable à engager une action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi.

La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 février 2014 a retenu cette fin de non-recevoir et cette tolérance, considérant que la société L'Oréal aurait nécessairement eu connaissance, depuis plus de cinq ans au jour de l'assignation en contrefaçon, de l'exploitation de la marque Ainhoa pour des produits de la classe 3.

Les juges du fond ont déduit cette nécessaire connaissance en raison :

  • D'une part, de l'existence de publications publicitaires nombreuses et régulières de la marque Ainhoa dans l'Union européenne, et notamment en France,
  • D'autre part du fait que la marque Ainhoa et les marques Noa de la société L'Oréal ont été promues dans les mêmes publications, parfois dans le même numéro
  • Enfin que les deux sociétés avaient participé à des salons professionnels communs et étaient toutes deux adhérentes d'une même association

La société L'Oréal a fait grief aux juges du fond de s'être fondés sur une simple vraisemblance de connaissance, sans que soit rapportée la preuve positive et certaine qu'elle avait effectivement eu connaissance de l'usage de la marque Ainhoa et toléré cet usage pendant 5 années ininterrompues. La Cour de Cassation rejette son pourvoi.

Elle considère en effet que les constatations et appréciations souveraines des juges du fond ont permis de caractériser l'usage sérieux et régulier de la marque " Ainhoa " pour désigner des produits de la classe 3 dans différents pays de l'Union européenne, dont la France et " la connaissance de cet usage avec un degré de certitude suffisant " par la société l'Oréal alors que cette dernière était en situation de concurrence avec la société Cosmetica Cabinas SL.

S'il appartient à celui qui se prévaut de la forclusion par tolérance de prouver que l'usage de sa marque enregistrée a été toléré pendant plus de 5 ans par celui qui engage une action en contrefaçon de marque du fait de cet usage, la Cour de cassation pose le principe de l'absence de nécessité de preuve formelle de cette tolérance. Il semble que la preuve de cette tolérance " avec un degré de certitude suffisant " démontré par un faisceau d'indices soit suffisant.

Le meilleur moyen pour éviter ce type de risque pour les titulaires de marques antérieures reste encore de placer leurs marques sous surveillance active pour pouvoir s'opposer en amont à l'enregistrement de marques similaires.

Pour tout renseignement sur la protection des marques, n'hésitez pas à contacter le Cabinet HAAS Avocats ici.

Contrefaçon de marque et forclusion par tolérance : une question de preuve

À propos de l'auteur

Laurent GOUTORBE Avocat à la Cour - Directeur Pôle Propriété Industrielle - Expert en pré-diagnostic INPI - DESS Droit des Nouvelles Technologies - DEA Droit de l'Economie - DU Droit Comparé Franco-Anglais


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