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(anthologie permanente) Mary-Laure Zoss, "aux vieux enfants, tricots d’os dans la remorque"

Par Florence Trocmé

Mary-Laure Zoss publie ceux-là qu’on maudit, avec des encres de jean-gilles badaire, aux éditions Fario.
Et du temps jusqu’aux épaules
aux vieux enfants, tricots d’os dans la remorque, pêle-mêle ciseaux, boules de bois, leurs outils ; dans peu crânes contre crânes à pelleter ; à ceux qui s’égarent au pied des grilles, ou de l’épaule s’assurent aux racines – si pour maintenant, demain ou quand ne savent, et vont en biais sous les troncs de haut fût comptant leur pas ;
nous précèdent et tiennent bon, aux basques d’humides forêts pendus, épluchant la pénombre ; demain ou quand débusqueront de sous les fougères gueules, boutoirs, n’en savent rien, n’ont d’autre parti qu’en frémir, le temps est proche ;
à ceux sur la route, ceux rabougris qu’on achemine et trimballe quand ils ont cessé par eux-mêmes ; sous le convoi sismographique des sapins – centenaires quenouilles d’encre,– ils y vont ; par la course des ronces, des catadioptres en bordure, la nuit ne s’arrête pas, hérisse le ciel, à coup sûr ils y vont – tandis qu’en nous les germe d’un pareil décroît rebutent ; à perdre l’équilibre s’y pencher ?
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un mot sur treize boulonné juste, ils s’efforcent ; bégaient, ça part en dessous, voyez-vous ; pris en défaut, ne trouvent quelle trappe, quel gluau pour l’écrouer celui-là qui s’esbigne dans un culbutis de consonnes, par les galeries, rien n’y fait, de la mémoire ; cagneuses lettres entre les dents murmurées, redressées peu ou prou – les épeler dans quel ordre déjà ? à claudiquer parmi les initiales ils s’affairent, comme un qui ne sait plus où la machine, attends ça va revenir, dans une peau de chamois ensaquée la meule d’affûtage ; ou des montagnes en face, lequel de nom, là au-dessus des bruyères, des feuilles rouges, il a neigé on dirait ; tout comme jadis ils sont cueillis sur le fait chaque fois que ; leurs errements à l’égal de qui dans le noir s’essaie et se fourvoie ; quoi qu’il arrive, ils s’y réattellent tout autant mortifiés, à plusieurs reprises jusqu’à ; eux sans nul doute à la hauteur de ce qui leur advient, en tous points dignes qu’on les considère
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enfants vieux, et boursouflure en leur bois ; ainsi bâtis que sur l’épaule gauche le corps à remettre, puis la droite – pas mieux ; tordu le tronc, et ne le déclarent pas, ce bras de laine plaqué mort au flanc, ni le verbe qui coince ; comme si de rien n’était ; l’avarié de soi qu’ils recouvrent, à cœur ils ont de n’incommoder quiconque, à eux-mêmes gardent pareillement déguisé le pire ; de tout temps réprouvés, allèguent-ils, et de broutilles se souviennent, de ces peaux de raisin sans qu’on les voie crachées au caniveau, de leurs hontes acides mâchouillées ;
ainsi ce qui du monde reste en travers, à enfouir au besoin, escamoter, comme ce jamais rien d’assorti dans leur mise ou leurs phrases ; et de leur peur la figure hébétée, qu’à toute vue elle soit soustraite ; et qu’ils se lèvent du sommier avachi vers le soleil – sa boule froide dans les mélèzes, ça fait des peaux entre, blêmes effilochures qui font cligner ;
et nous, d’ores et déjà tenus à merci de ce qu’on griffonne à traits saillants ; à bride abattue engouffrés dans la perte, sans plus rien voir ; n’empêche qu’on est là, non ?
Mary-Laure Zoss, ceux-là qu’on maudit, encres de Jean-Gilles Badaire, éditions Fario, 2016, pp. 31 à 33.
Mary-Laure Zoss dans Poezibao :
biobibliographie, extrait 1, entre chien et loup jetés (par A. Emaz), extrait 2, Le Noir du ciel (par F. Swiatly), extrait 3, extrait 4, Où va se terrer la lumière (par A. Emaz), ext. 5, "Une syllabe, battant de bois" par Antoine Emaz, ext. 6


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